L’étranger

Mes yeux délavés par les pluies
De vos automnes et de l’ennui
Et par vos brumes silencieuses
J’avais bien l’humeur voyageuse
Mais de raccourci en détour
J’ai toujours fait l’aller-retour

(Claude Barzotti, Le Rital, Automne 1983)

Chacun peut-être en conviendra : confronter ses souvenirs au matériau brut, premier, est une expérience souvent des plus déconcertantes. La mémoire, dit-on, se plairait ainsi à oublier pour ne nous rendre fous, et à accommoder le solde pour nous le rendre agréable, cohérent ou tout bonnement supportable. En l’espèce, tout prête d’ailleurs à penser que l’expérience puisse être tenue pour universelle qui enseigne au Burkina que, « quand la mémoire va chercher du bois mort, elle ramène toujours le fagot qui lui plaît ». Ou chez Alain-Fournier que, « ce qui me plaît en vous, ce sont mes souvenirs ».

Amnésies

Mais dans le cas d’espèce, et en fait de mémoires individuelles comme collective : qu’est-ce donc qui aura déplu, merdé? De ce virtuose que, dès ses 15-16 ans, Goethals voulut coûte que coûte naturaliser de sorte d’enrichir, enfin, le jeu de sa redoutable mais pusillanime sélection… De ce joueur « insolemment doué » selon Cruyff, dont les Etats-Unis avaient conforté le statut naissant de « Pelé européen »… De cet incontestable joyau, star première de ce qui était alors l’un des meilleurs championnats européens… De ce transfert-record dans l’Histoire du Real Madrid… De ce joueur dont le bourreau serait ensuite hué sur toutes les pelouses de Belgique… De cet artiste régulièrement décisif en coupes d’Europe, et dont l’une des plus belles inspirations figurerait même au générique d’une émission hebdomadaire du journalisme sportif international – en somme, de ce prodige et de cette star continentale, de surcroît non dénuée de tchatche ni de morgue : comment expliquer que ne subsistent quasi-plus, aujourd’hui, de traces ni souvenirs ?

Deuxième à partir de la droite, au premier rang pour sa première apparition en division 1, le 30 mars 1974 lors d’un déplacement à Beveren.

La sous-médiatisation de sa belge scène de prédilection, certes, peut-elle expliquer les compilations aussi rares que rachitiques qui lui sont consacrées. Et votre serviteur même, en dépit de ce panégyrique pourtant factuel et légitime, serait bien en peine de mobiliser davantage que des instantanés, flashs ou bribes de souvenirs, de toute façon désormais impossibles à agencer. Une action peut-être pût illustrer le génie singulier de Lozano, et ce fût alors celle qui le vit feinter la passe ou le centre, face à une défense retranchée dans ses 30 mètres, où se déclenchât mécaniquement le piège du hors-jeu. Aussitôt, l’Andalou-Belge avait effectué un sombrero par dessus la ligne défensive, suivi la course du ballon en croisant celle de la défense montée vers lui, réceptionné le cuir et achevé (mais marqua-t-il, seulement ?) un gardien devenu incrédule, comme abruti et désormais livré à lui-même dans son propre rectangle.

D’un coup de baguette magique dont il était coutumier, l’insondable Juan avait de la sorte réduit une ligne Maginot à un duel au soleil, sans que quiconque ne vît rien venir… Mais avait-il initié l’action à l’arrêt ou en mouvement, dans l’axe ou excentré sur un flanc, aux 30 ou aux 40 mètres ? Portait-il alors le maillot mauve du Sporting ou bien plutôt celui du Beerschot ? Marqua-t-il et célébra-t-il son but? Et quid des circonstances, de l’année, des protagonistes ? A ces aléas et caprices de la mémoire, dont chacun sort frappé sitôt question du numéro 4 andalou : c’est comme si rien, plus rien ne subsistait de l’empreinte laissée jadis par ce footballeur aussi insaisissable que racé. Et cependant est-ce encore cet oubli qui serait le plus fidèle portrait possible du cas Lozano : paradoxe ambulant dénué du moindre plan de vie et de carrière, dont l’exclusive constance consista toujours à se laisser porter par la providence et l’instinct, et dont au fond le « souvenir » témoigne combien, malgré lui parfois, il traversa le paysage du football européen comme un fantasme insouciant, désinvesti de tout sinon de ballon rond… et nonobstant ses parts de scoumoune, à peine croyables : au fond bienheureux ainsi.

Chien andalou

Né en Andalousie mais très tôt déraciné, le jeune Lozano avait rejoint la Belgique à ses 10 ans – ou à ses quatre ans peut-être, nul ne sait trop, ne sait plus – si bien que les seuls langages qu’il maîtrisât jamais furent le football de rue et le dialecte anversois, tour à tour appris sur les pavés et aux bistros de l’arrogante cité portuaire. Bien vite repéré par les recruteurs du prestigieux mais décati Beerschot, où toujours il se rendrait à vélo, et qu’avec les sensations du Mondial Sanon et Tomaszewski il contribua à ramener sur la scène continentale, il ne se contenterait pas d’y faire oublier l’international ouest-allemand Emmerich, finaliste de la World Cup et meilleur buteur du championnat 1970, mais se forgerait surtout de devenir, avec l’anderlechtois Rensenbrink, la grande attraction technique et offensive de la Belgique émergente des années disco.

Finale de la Coupe de Belgique, stade du Heysel, 10 juin 1979.
Debout de gauche à droite : Arto Tolsa, Louis Van Gucht, John Van Abbenij, Jan Tomaszewski et le Haïtien Manu Sanon. A leurs pieds respectifs : Juan Lozano, Paul Lambert, Frank Schrauwen, Paul Beloy, Johan Coninx (auteur de l’unique but de la rencontre, disputée face au FC Bruges) et René Mucher.

Bientôt suivi par de grands clubs espagnols tels Valence, l’Atletico ou le Barca, Lozano prendrait cependant tout son monde à contre-pied une première fois quand, à ses 24 ans et en cours de saison 1979-1980, il opterait brutalement pour les Washington Diplomats des Néerlandais Cruyff et Wim Janssen, où se conforterait sa réputation naissante de « Pelé européen ». Née surtout à une fantaisie et à une technicité de moins en moins communes en Europe, et pour abusée qu’évidemment elle fut, la comparaison péchait surtout au regard du style singulier de Lozano, plus proche du toque argentin, et où se mêlaient harmonieusement sensualité andalouse et goût d’un jeu direct, âpre, instinctif et davantage voué à la verticalité.

Fortement impressionné, et bien que ce ne fût vraiment nécessaire, Cruyff le recommanderait après une dizaine de matchs aux dirigeants du FC Barcelone, arguant qu’il n’avait jamais encore évolué en club aux côtés d’un joueur aussi « insolemment doué ». Vaguement motivé, mais les dirigeants des Diplomats ayant entrepris de liquider les cadres de l’équipe, Lozano embarquerait donc dans l’avion affrété par les Catalans, puis tous les protagonistes de convenir prestement d’un arrangement financier…que Lozano, ulcéré par l’attitude de l’entraîneur Helenio Herrera, balaierait aussitôt d’un nouveau contre-pied, après une semaine à peine d’entraînement.

Informé du coup de sang de l’Anversois, qui se refusait désormais à rester à Barcelone, et au fait surtout de l’excellent coup à jouer, le manager d’Anderlecht Michel Verschueren l’engagerait aussitôt pour 12,5 millions de francs belges – « la meilleure affaire jamais réalisée par le Sporting d’Anderlecht », en dirait des années plus tard le Président Constant Vanden Stock. Deux ans plus tard, c’est plus de 25 fois ce montant, que le grand club catalan dépenserait pour acquérir Diego Maradona, version il est vrai améliorée, puisqu’inégalable, de l’Anderlechtois d’adoption…

Médiocrités

Les artistes Coeck et Maradona, sous le charme assertif mais faussement arrogant du maître de cérémonie Lozano.

Comme toujours singulières, décousues et dégagées des froides réalités du marché, c’est par ces paroles que Lozano se justifierait un jour de ce choix : « [A Anderlecht,] je me suis senti à la maison dès le premier jour. Boire un petit café et discuter avec les gens. Ou encore juste avant un match faire un petit coucou dans la cuisine à Omer et Marie, les concierges, fumer une petite cigarette. Je n’avais pas besoin de massage. Cela avait toujours été mon rêve de jouer au football à Anderlecht. Chaque fois qu’on rencontrait les mauves avec le Beerschot, on devenait fous. Je pensais alors : je voudrais bien jouer une fois pour ce club. Pas pour le nom « Anderlecht », mais simplement parce qu’il y avait tellement de bons joueurs. »

Saisissant à pleines mains et à ses 26 ans de pouvoir briller au sein d’une équipe enfin dominante, Lozano réussirait même à convaincre la très conservatrice fédération belge du bien-fondé de sa naturalisation, dix ans après que Goethals eut entrepris que lui soient confiées les rênes de Diables Rouges désormais redoutés mais qui, pour pallier un manque criant de créativité et de leadership, n’avaient eu d’autre choix, dans le cadre de l’Euro 1980, que de rappeler le vieux stratège Van Moer de sa longue retraite internationale.

Susciter tel intérêt, chez les caciques du football belge, aura sans doute été le plus grand exploit de Lozano. Depuis l’Arménien du Beerschot Vahram Kevorkian, serial-buteur de l’aube du siècle décédé à ses 23 ans, et tandis que la France avait entrepris dès 1931 de sélectionner de joueurs des colonies, la fédération belge de football avait en effet toujours refusé de convoquer de joueurs qui ne fussent souchiens, ou attendra même 1987 avant de se résoudre à appeler sous les couleurs nationales son premier joueur de couleur. 

L’affaire, toutefois, semblait bien engagée pour l’Espagnol, bénéficiant dans sa procédure de naturalisation des puissants relais politiques du Sporting d’Anderlecht, puis bientôt de l’aval de la Chambre des Représentants… Sa naturalisation ne requérant désormais plus que l’accord du Sénat – une formalité, pensait-on – Lozano serait même convié en mai 1982 à une séance d’entraînement des Diables Rouges, préparatoire à l’imminente Coupe du monde espagnole, et au cours de laquelle il serait invité à poser devant les photographes avec le maillot de la sélection.

Cette initiative et ces clichés, malheureusement, allaient échauder les membres du Sénat, qui y verraient une atteinte à leur pouvoir souverain, et opposeraient dès le lendemain un veto farouche et catégorique au dossier Lozano. Mais n’était-ce vraiment qu’une histoire belge ? Une rumeur aussitôt circulerait, prêtant au Président du Barca d’avoir fait jouer ses relais dans la diplomatie espagnole, comme lors de la Coupe des Coupes 1979. Certes Nunez s’était-il fait menaçant : « Si Lozano devient belge, je considérerais cela comme un affront personnel ! », mais de là à rameuter encore le Ministère des Affaires étrangères de son pays ? Deux ans plus tard, dans le cadre de la préparation chaotique à l’Euro 1984, c’est donc à Enzo Scifo que reviendrait d’être le premier naturalisé de l’Histoire sous le maillot des Diables Rouges. Une décennie plus tard, fraîchement précédé du Brésilien Luis Oliveira, le troisième serait le Croate Josip Weber, naturalisé dans l’urgence et en dépit des procédures pour les besoins de la Coupe du monde 1994. Tous deux, Scifo comme Weber, devraient composer, tout au long de leur carrière tricolore et coupables de n’être seulement belges (Scifo, pourtant, était né et avait intégralement grandi en Belgique), avec l’hostilité de certaine presse voire de l’un ou l’autre de leurs équipiers…

El Matador

Photo publiée dans le magazine français Onze en mars 1983 : « El Matador » échappe, dans une geste qui lui était caractéristique, au marquage rugueux des Standardmen Plessers et Delangre.

Toujours suivi par l’Espagne mais curieusement déterminé à « jouer pour les Diables Rouges ou pas du tout », du tout rancunier bien qu’il fût condamné à suivre comme supporter le tournoi disputé sur la terre de ses ancêtres, Lozano se vouerait dès lors exclusivemement à son puissant club bruxellois où, adulé par l’un des plus exigeants publics d’Europe, qui à l’instar d’Ivic puis de Van Himst lui pardonna cependant toujours tout de son tabagisme et de sa désinvolture, il serait l’incontestable star d’une équipe anderlechtoise riche de vedettes internationales telles Morten Olsen, Franky Vercauteren, Ludo Coeck ou Erwin Vandenbergh, concevable meilleure équipe du plateau européen en 1982, et victorieuse avec panache de la Coupe UEFA 1983.

Las ! et fait unique dans l’Histoire des coupes européennes : sa prestation lors du match-aller de la finale remportée contre Benfica, consistante quoique en-deçà des récitals livrés plus tôt face à la Juve ou à l’Etoile Rouge, ne fut jamais connue du plus grand nombre, des suites du veto finalement opposé à sa retransmission par la direction du Sporting, engagée alors dans un chantage au finish pour tripler les droits-tv…

Brillant toutefois lors de la manche-retour, au cours de laquelle il inscrirait d’ailleurs le but décisif, Lozano serait bientôt transféré, après des semaines de très âpres négociations (les exigences du Sporting étaient doubles), par le Real Madrid pour un montant officiel de quelque 75 millions de francs belges, record alors pour le club madrilène…et encore le passage du merengue et international anglais Cunningham, finalement commué en l’organisation de deux lucratifs matchs amicaux, avait-il initialement été convenu dans la transaction !

Enfant prodigue

A l’instar plus tard d’Enzo Scifo, vendu à prix d’or à l’Inter en 1987, la boucle semblait désormais bouclée pour l’enfant de la diaspora qui, en signant pour un grand d’Espagne et après l’échec de sa naturalisation, gagnait enfin de se mettre en valeur sur le sol de ses ancêtres.

Une de As, à l’été 1983.

Après des débuts en fanfare, marqués notamment d’un but dès son premier match contre le Betis, Lozano serait malheureusement victime d’une fracture du péroné lors d’un derby historique contre l’Atletico. Quatre mois plus tard, de retour sur pelouse mais fragilisé par l’acharnement des chirurgiens, il se fracturerait encore et aussitôt ce même péroné dans un contact avec le gardien de Salamanque… Dans le contexte d’un football espagnol qui n’avait encore complètement tourné le dos au futbol del muerte, les 68 kilos du meneur de jeu anversois n’avaient pesé bien lourd, qui clôturait donc sa première saison sur un bilan de 14 rencontres livrées, quatre buts inscrits, deux fractures du péroné gauche… et même une dent arrachée lors d’un duel avec un certain Andoni Goikoechea…

Revanchard mais allant déjà sur ses 30 ans, entré en conflit avec l’entraîneur Amancio et devant composer avec l’émergence de la Quinta del Buitre, d’autant plus isolé dans le vestiaire qu’il n’en maîtrisait pas tout des codes et, il faut bien le dire, légitimement sanctionné pour ses compulsives nuits blanches avec son comparse Juanito, Lozano ne serait plus guère titularisé, durant la saison 1984-1985, que pour les rencontres de Coupe du Roi, de la Ligue et d’Europe, où toutefois il s’illustra tant et si bien que Coupes de la Ligue et UEFA (dont Amancio lui refusa cependant de pouvoir disputer la finale) seraient précisément les seuls trophées remportés cette année par le Real. Le 28 novembre 1984, cantonné sur le banc tout au long de la lourde défaite subie à Anderlecht en Huitièmes de finale aller de la Coupe UEFA : le public bruxellois, pourtant peu réputé pour sa chaleur, scanderait sans trêve son nom la dernière demi-heure durant, espérant de la sorte (mais en vain) infléchir les choix du sélectionneur espagnol.

Titularisé au retour, Lozano serait l’un des artisans de la spectaculaire remuntada effectuée par le Real, vainqueur par 6 buts à 1, qui effaçait le cinglant 3-0 concédé en son absence à l’aller… Mais là encore, et plutôt que de tirer à lui une bienvenue couverture en ces heures difficiles, impulsif contre-pied : Lozano d’affirmer que ce match avait été arrangé, d’entre direction merengue soucieuse de remporter à nouveau un trophée, et board anderlechtois en quête d’argent frais après le lourd redressement fiscal subi dans le cadre de l’enquête du Juge Bellemans ! Finalement, l’arrivée à la présidence de Ramon Mendoza, désireux de faire table rase du passé, le poussant pour de bon à la porte, Lozano pouvait alors entreprendre le second chapitre de sa vie anderlechtoise, où il fut racheté pour une bouchée de pain. Exclusifs commentaires de l’intéressé, de l’éternel déraciné et citoyen du beau jeu : « Où puis-je être mieux qu’à Anderlecht? Je rentre à la maison »

La fin

Trentenaire, physiquement diminué par les attentats subis en Espagne, à certains égards discrédité et confronté à ce qui furent probablement les plus forts noyaux de l’Histoire du Sporting d’Anderlecht (Scifo, Vercauteren, Grün, VanderEycken, Andersen, Olsen, Mortelsen, Demol, VandenBergh, Van Tiggelen, Zetterberg, Nilis…!), Lozano s’érigerait pourtant à nouveau en patron de l’équipe, serait désigné « Footballeur pro de l’année », et même unanimement pressenti pour remporter enfin le « Soulier d’Or », trophée individuel suprême en Belgique, mais que celle-ci gardait encore bien du mal à daigner accorder à un footballeur étranger…

C’est alors que surviendrait l’ultime agression de sa carrière, de loin la pire et dont il ne se remettrait jamais, le 11 avril 1987, quand Lozano verrait sa jambe brisée net par le rugueux joueur de Waregem Yvan De Sloover lequel, fait unique dans l’Histoire du football belge, serait ensuite systématiquement hué, jusqu’au terme de sa carrière, sur toutes les pelouses de Belgique. Certes Lozano, auquel les institutions avaient viscéralement refusé d’accorder la nationalité belge, obtiendrait-il symboliquement raison dans le procès mené contre son agresseur. Mais c’était une bien maigre consolation pour un joueur qui ne parvint plus guère, finalement chassé par Anderlecht (qui mobilisa ses appuis pour lui obtenir un travail aux institutions européennes, où il ne fit pas long feu), qu’à végéter ensuite dans les divisions inférieures du football belge…

Doublement apatride, blessé dans sa chair, et indécrottable et insouciant adepte du contre-pied dans la vie comme dans ses choix de carrière, étranger à tout : il y avait bien matière à s’inquiéter pour le fier et curieux Andalou, très vite retourné à ses amours de jeunesse, cigarettes et bière à gogo, et interminables et taciturnes parties de billard avec les copains – parmi lesquels ne comptait hélas plus le plus cher d’entre tous, son complice Ludo Coeck, tué deux ans plus tôt dans une violente sortie d’autoroute… Mais il faut croire qu’il y a un bon dieu pour les oiseaux de son espèce ; puisque bien vite ruiné, sans pour autant jamais exprimer la moindre forme d’inquiétude : l’espiègle Juan empocherait aussitôt une petite fortune au Loto.

Lozano, s’inquiéter ? Vivant désormais de ses rentes dans un intérieur bourgeois sobrement décoré, et n’ayant moins que jamais que faire du qu’en dira-t-on, dilettante pour toujours superbe : Lozano n’attend même plus de devenir, un jour, oubliable et belge comme les autres.

37 réflexions sur « L’étranger »

  1. Le droit du sol ne s’applique pas en Belgique ? Que Scifo qui était belge de part sa naissance et son éducation dût être naturalisé me surprends…

    Sinon quelle vie bordel ! Lozano a été naturalisé belge un jour où il est encore espagnol selon son passeport ?

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    1. Le droit de la nationalité a toujours été singulièrement compliqué en Belgique, longtemps une horreur à étudier.. Du temps des Lozano et Scifo, c’était de tête un mix de droit du sang (toutefois dominant dans l’esprit, dirais-je) et de droit du sol.

      Les cas Lozano et Scifo étaient toutefois fort différents. Le terme « naturalisation » est techniquement le bon dans les deux cas, raison pour laquelle je l’ai adopté mais, en substance : naturalisation pure et dure pour Lozano (lequel était stristo sensu espagnol – et l’est resté)……….quand, chez Scifo : il se sera plutôt agi, à compter de ses 18 ans, de choisir entre la nationalité belge et l’italienne (pas de bi-nationalité à l’époque!), je crois même me rappeler qu’on parlait de procédure dite d' »acquisition » de la nationalité. En somme ce fut une espèce de déclaration officielle par laquelle il renonçait à l’une pour embrasser totalement l’autre. En l’espèce, à ses 18 ans en 84, Scifo était courtisé tant par la Belgique (a fortiori après l’affaire Waterschei, qui venait de détruire l’équipe) que par l’Italie (laquelle n’allait guère mieux, euphémisme)……….. ==> Bearzot lui promit de le convoquer, qu’il serait un maillon fort de la nouvelle Squadra..mais quand??

      A l’aube de l’Euro 84, le fait est que la Squadra était dans le trou. La Belgique, quant à elle, était certes décapitée mais qualifiée au moins……..et Anderlecht pesa de tout son poids pour le « belgifier » à 100%, commercialement c’était dans leur intérêt, bref : pressions diverses, l’une ou l’autre interventions politiques, contrat faramineux de 5 ans aussi…… ==> Le coeur de Scifo avait été partagé, mais ces arguments-là emportèrent la décision pour la Belgique.

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  2. Je me rends compte – sans surprise – que je ne connaissais qu’une maigre part de la vie de Lozano. Je n’avais clairement pas réalisé qu’il avait tenté une expérience aux US avec Cruyff et je ne savais rien de son essai au Barça.
    Tu mentionnes le coach « Parera » ? Je ne sais pas non plus de qui il s’agit… Ne serait-ce pas Balmanya, ancien joueur et entraineur du Barça dans les 50es, venu dépanner en tant que coach adjoint à la fin de sa carrière ? Sinon, je ne vois pas…
    La thèse selon laquelle Nuñez aurait agi pour contrer la naturalisation belge de Lozano me paraît tirée par les cheveux. Nuñez est le président élu en 1977 avec un slogan rédigé en catalan (un choc, à peine deux ans après la mort de Franco), celui qui a le premier rallié le Barça à la cause catalane incarnée politiquement à l’époque par Pujol… Lozano n’était pas Catalan mais Andalou, du coup quel était l’intérêt pour Nuñez qui avait clairement choisi le régionalisme au nationalisme espagnol ?
    Et pour finir, merci de ce texte comme toujours riche et agrémenté de ce délicieux usage du subjonctif. Ton style est unique !

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    1. Aaaargh!!! Helenio Herrera bien sûr, un correcteur automatique a dû passer par là jadis, bien vu (et merci à qui de droit de corriger, sorry).

      Le reste : j’y reviens probablement en fin de journée, bcp à dire.

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    2. La thèse Nunez je n’y crois guère non plus, comme toi je n’en vois ni le sens ni l’opportunité, ni.. Rien! Mais le fait est qu’elle eut cours, relayée par la presse belge à l’époque. Fut-ce un pur fantasme? Et, si oui : fantasme né au souvenir de l’intervention diplomatique survenue dans le cadre de la manche-aller de C2 79 entre Anderlecht et Barcelone?? Aucune idée. Le fait est que, d’instinct : tout qui touchât au foot espagnol (et au Barca en particulier!) était alors, en Belgique, aussitôt associé au concept de combine.

      Dans le dossier de naturalisation de Lozano, un sénateur se montra particulièrement hargneux, enragé comme un Caton : ledit Herman VandePoorten………. ==> Détail piquant (mais sans lien aucun avec son opposition radicale à cette naturalisation), c’est à lui que le..stade du Lierse doit son nom, ce qui fit bien sûr le lit des amateurs de complots faciles.

      Que dire encore? L’idole de Lozano était Maradona. Deux faux-jumeaux d’ailleurs, inséparables quand ils se rencontrèrent puis dînèrent ensemble à Bruxelles, l’admiration était mutuelle.

      Lozano était un bon garçon, toujours positif, ne voir que le bon côté des choses……. De ses deux années brutales en Espagne, il ne raconta que du positif……même de Goiekoexea, qui pourtant lui arracha une dent : passé par pertes et profits, ça le faisait rire. Une philosophie qui, à l’instar de son jeu, faisait l’unanimité en tribunes.

      Ca + son franc-parler assez WTF…. : formidable!

      J’évoque la défaite 6-1 d’Anderlecht au Real, après l’avoir emporté 3-0, match arrangé selon Lozano donc…… ==> C’est dans ledit « Livre noir du football belge » (ouvrage rarissime auquel collaborèrent aussi les….maîtres-chanteurs du Nottinghamgate, lol) que Lozano affirma cela, et d’autres choses encore, genre le manager d’Anderlecht Michel Verschueren, chassé des bureaux du Real comme un vulgaire mafioso (qu’il était) par Saporta, après avoir proposé un montage financier invraisemblable dans la cadre du transfert de Lozano……. ==> Zéro sujet-tabou avec Lozano, j’adore.

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    1. Tout à fait, un 11 solide et équipe redoutée. Incapables de jouer le top sur la longue durée, par contre sur un match……..

      Bon an mal an, les cracks 70’s furent Anderlecht, Bruges, Standard, RWDM…….. et derrière il y avait un groupe incluant les Antwerp (formidables sous Thys, j’aimerais aborder cela un jour ici), Beerschot, Beveren..le Lierse à la rigueur, et Lokeren bien sûr pour la seconde moitié 70’s enfin.

      Sanon est un nom « illustre », Lozano était un extraterrestre, Tomaszweski un grand nom..mais le plus fiable de tous, ma foi : le Finlandais Tolsa, énorme joueur!, il aurait fait merveille dans le foot anglais à l’époque, et pas à Charlton ou Leicester hein.

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      1. Ah, ok. Pas que je sache, non. Il y eut Bonga-Bonga aussi, international avec les..Militaires??? A vérifier, je ne sais plus. Concernant ces Congolais (et d’autres), j’ai déjà lu que la population était plutôt ouverte..mais les institutions par contre, hum..

        A ce propos, concernant cette fois les naturalisés.. Scifo tint à dire n’avoir jamais souffert de racisme, pas faute pourtant que la presse flamande fut parfois limite avec lui.

        En dépit de ses déboires administratifs (il ne retenta jamais sa chance!), Lozano répéta toujours se sentir belge..et s’installa même durant l’été 82 à Elche pour pouvoir supporter les Diables durant le Mundial, pas rancunier pour un sou le Juan!

        Des deux, il n’y avait pas photo et d’ailleurs Scifo en convint toujours : Lozano était au-dessus. De leurs styles respectifs, Lozano était un joueur plus direct, qui portait beaucoup moins le cuir. Et à certains égards plus un 8 particulièrement offensif qu’un 10? Compliqué à définir.

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    1. Je ne suis vraiment pas certain que ces deux pays aient eu beaucoup d’influence sur le foot belge. Fin des fins et de décennie en décennie, c’est avec ses voisins NL et..français, que le foot belge aura été le plus poreux.

      La communauté italienne de Belgique est évidemment raide dingue de foot, mais son apport aux Diables est par exemple infinitésimal par rapport à celui des Congolais, pourtant plus tardivement acceptés.

      Et quant à citer des internationaux belges d’origine espagnole, l’on aurait plus vite encore fait le tour. A ce jour, ç’aura vraiment été très marginal.

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  3. Très intéressant, je n’avais jamais entendu parler de ce joueur ! Quelle carrière et histoire. Concernant Enzo Scifo, il n’était pas Belge à la naissance parce que ses parents ne l’étaient pas ?

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    1. En substance c’est ça, oui. Et il lui revint à 18 ans de choisir entre la nationalité italienne de ses parents ou la belge à laquelle il avait donc également droit..mais il fallut choisir.

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    1. Baecke, vrai bon joueur. Gaucher mais, pour le reste, une espèce de van Aerle belge : pas un nom qui en jette, sans fioritures mais fiable.

      Y a quelques joueurs comme ça, sans apparat/réputation aucuns, mais.. Souvenir par exemple d’un très bon back, bien offensif à la belge, ex de Waregem, Anderlecht…….. Le genre de type que tout le monde oublie, moi compris apparemment, lol..

      Ben Baecke c’était de cet accabit : très bon mais, vu qu’il ne crevait pas l’écran.. J4ai évidemment une forme d’affection pour ce genre de joueurs 😉

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      1. Sinon, oui : tous des cracks.

        Swat Vander Elst, VandenBergh, Coeck, Vercauteren, Meeuws, Renquin, Gerets, Ceulemans, VanderEycken, Van Moer, Pfaff……. ==> Van Moer devenait vraiment vieux, mais sinon y a rien à jeter là-dedans : tous a minima du niveau continental………et, surtout : que la « génération dorée (de mes couilles) » aille une fois pour toutes se rhabiller.

        Lozano eût-il pu en changer le destin? Le fiasco 82 n’eut rien à voir avec une question de talent (un problème de profondeur, plutôt), on y reviendra..mais, oui : évidemment qu’il eût transformé cette équipe!

        Et cependant, à lire..tout le monde (ce que j’ai donc fait), Lozano compris! : escompté plutôt comme un remplaçant à Van Moer, une espèce de facteur X qu’on eût fait monter à l’heure de jeu à la place du vieux warrior, comme quoi………… Le gros problème, hors contingences diverses et variées à aborder : ce fut vraiment le tournoi de trop pour Van Moer, et ça, sans la (super)solution Lozano derrière, ben..

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  4. Un truc surprenant est la différence d’engagement selon les periodes. J’ai maté récemment le Belgique URSS 86 ou le Belgique Espagne 80. Et bien, les Belges jouent dur en défense. Ce ne sont pas des bouchers mais les Gerets, Renquin, Ceulemans hésitaient pas à mettre des tampons.
    Ce qui n’est plus le cas, dans mes souvenirs, dans les années 90. La Belgique était même un peu trop soft parfois…

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    1. Bien sûr, le jeu dominant en Belgique fut longtemps d’une dureté certaine!……mais vicelard non, merci de l’avoir noté !!!, on n’est pas des salopes hollandaises!.. 😉

      En substance : contrats historiquement rares et très sévèrement jugés, ça ne se faisait pas (Cf., cas d’espèce, le sort réservé à De Sloover).. La Belgique était fort coubertinienne (pas autant que la France, mais..). Il y eut çà et là des exceptions bien sûr, VanderEycken par exemple : j’adore, grand joueur!!!, mais c’était une saloperie, vicieux comme un Hollandais.. Ce genre de lascars était heureusement (le point de vue lambda NL serait aux antipodes du mien) rare par chez nous.

      Rapide tour d’horizon pour l’époque??

      Gerets était très engagé..et au pire maladroit. Mais dans l’absolu un type absolument correct, son rouge face à l’Uruguay en 90 est un peu bcp consternant. Renquin beaucoup plus sec si nécessaire!!!, mais privilégiait l’anticipation. Dewolf (celui de l’OM) : rude..et mauvaise réputation (que je trouve indue) au pays. Les stoppeurs Millecamps et Poels (incompréhensiblement jamais sélectionné, alors que.. – je tiens donc à le citer!) : très, très secs………..mais pas méchants pour un sou! Meeuws : gentleman, la classe….. ==> Sa rouge à Barcelone en 82 n’en est que plus dégueulasse.. Qui d’autre encore? Clijsters était un joueur rude mais propre, remarquable même, terriblement sous-évalué..

      Ca se neuneunise/ »féminise » effectivement ensuite : Demol, Emmers…………. Le dernier des Mohicans du jeu qui déménage, parmi les figures les plus récurrentes : l’Ardennais Philippe Albert!, mais le reste c’était devenu des bisounours, oui..

      Bon, au-delà des Diables : évolution « universelle », non?

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      1. Tu vois, c’est peut-être Ceulemans qui m’a le plus étonné. Je savais que c’était un joueur physique, et pas que, mais contre les Soviétiques, il t’envoie des putains de tacles pour récupérer le ballon. Et c’est efficace, l’action est arrêtée…

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      2. Eh, dans toute sa carrière et quoi qu’en suggèrent les stats : Ceulemans évolua moins souvent comme attaquant que comme médian (ce qui rend plus encore justice à ses stats d’ailleurs). Surtout : il évolua même bien souvent comme..demi-défensif, casser le jeu il connaissait!

        Et casser le jeu dans cette rencontre-là, face à l’URSS (..ou face à la France en qualifs de 82, ou..) : ce ne fut pas du luxe, euphémisme..

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    1. Thx et surtout c’est pas choquant : connaissais pas mais j’aime bien (dont que ça se termine par un « putain de merde », lol).

      Dans un registre curieusement « voisin », à se demander d’ailleurs ce qu’ont ces Kevorkian???, un groupe que j’ai adoré dans les 90’s..et ce titre s’appelle donc « Kevorkian », aussi : https://youtu.be/ZGhoIYu9W3k?list=PL9hJHWYkBfpNWA67at_0GnQd1Xz_r3TiN&t=191

      Des Allemands de l’Est, je crois?? Vus il y a près de 30 ans ==> Herrn G-G-G, vielleicht?

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      1. Ahah c est très agressif ambush, j aime eheh.
        Tres peu de fioritures!

        Ouais j connaissais pas kevorkian bon plus. J m etais jamais penché sur la signification de la chanson de strapping young lad. C est pas si explicite dans les paroles finalement.

        Ca va te requinquer un peu de metal comme ça!

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  5. Me suis maté quelques matchs de Bruges, époque Happel. Sorensen, beau gaucher. Je connaissais de nom mais j’ignorais qu’il était aussi dribbleur. Mais celui qui m’a vraiment épaté, c’est Julien Cools. Quelle activité!

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    1. Eh oui, encore un des moult, beaux atouts offensifs danois pré-Dynamite.

      J’aime bien savoir ce qu’il advient de ces vieux joueurs..ben lui son café ouvre dans moins d’une heure, du côté de Birmingham.

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