L’incroyable 1er tour de la CDM 2002 (2/2)

Dans la plupart des Coupes du monde, en particulier celles à 32 équipes, la dernière journée de la phase de groupe offre souvent des scenarii riches en émotions. Mais aucune édition jusqu’à maintenant n’en aura offert plus que celle de 2002. C’est simple, à l’aube de la troisième journée, aucun groupe n’avait alors livré son verdict et le suspense était total. Les amateurs de football ont donc pu assister à des rencontres riches en dramaturgie et en renversement de situation, où une équipe pensant avoir fait le plus dur se retrouve éjecté du tournoi. Retour sur le chapitre final de chaque groupe, avec une présentation du contexte d’avant match, puis des matches en eux même, pour ainsi se rendre compte à quel point ce premier tour aura été fou et riche en surprises. 

Groupe E

Après une première victoire spectaculaire 8-0 face à l’Arabie saoudite, l’Allemagne s’est exposée à une difficulté non désirée en concédant le nul à la dernière minute face à l’Irlande. Si elle peut se contenter d’un nul sans problème grâce à une très confortable différence de but, elle doit affronter le Cameroun qui lui, doit absolument s’imposer car l’Irlande, qui affronte l’Arabie saoudite est en embuscade. Contrairement aux apparences, ce sont bien les champions d’Afrique en titre qui sont en position de faiblesse après un match nul décevant contre l’Irlande et une victoire très étriquée face aux Saoudiens. Ainsi, à moins d’une improbable absence de victoire de l’Irlande, on peut considérer que le Cameroun est dans l’obligation de gagner pour ne pas voir des ambitions dans ce mondial asiatique stoppées net.

Du côté de Yokohama, l’Irlande règle rapidement l’affaire en ouvrant le score par Robbie Keane. Malgré une adversité honorable des Saoudiens, l’Irlande finira par l’emporter 3-0. La pression est donc mise d’entrée sur la Mannschaft et les Lions indomptables. Le Cameroun doit absolument gagner et les Allemands ne doivent surtout pas perdre. La partie est très tendue, marquée par un nombre important de cartons (13 jaunes et deux rouges). Mais les Africains font une bonne première période et se créent de nombreuses occasions.

Mais les Allemands vont leur donner une leçon nouvelle d’efficacité dès le début de la deuxième mi-temps, avec l’ouverture du score de Marco Bode, puis de gestion puisque les Lions se retrouvent à ce moment là totalement anesthésiés par l’organisation défensive des partenaires d’Oliver Kahn. Klose doublera la mise en fin de match et scellera définitivement le sort de la rencontre. L’Allemagne aura plus tremblé que prévu, mais se qualifie à une première place qui lui ouvre une vraie voie royale pour la finale. Tandis que les Irlandais les rejoignent, récompensés pour leur abnégation et leur enthousiasme. Le Cameroun lui, espérait mieux, et avait de quoi espérer mieux. Mais est déjà éliminé.

Groupe F

Le « Groupe de la mort » a déjà fait une victime, il s’agit du Nigeria. Mais les Super Eagles ont bien l’intention de jouer jusqu’au bout le rôle d’arbitre à l’occasion de la troisième rencontre face à l’Angleterre. L’Angleterre qui grâce à sa victoire assez inattendue face à l’Argentine se retrouve dans une situation idéale, puisque même une défaite pourrait suffire à la qualification si l’Argentine ne bat pas la Suède. A l’inverse, l’Albiceleste, pourtant annoncée comme grande favorite de la compétition, est dans une position on ne peut plus délicate. Face à la redoutable Suède, un match nul a de très grandes chances de s’avérer insuffisant (à moins d’une victoire nigériane par deux buts d’écarts). Autant dire que les calculs sont simples pour les sud-américains. Il faut absolument gagner face aux Scandinaves.

Et autant dire que l’Argentine va se donner les moyens de remplir la mission. La domination est outrageuse et les occasions nombreuses. Les Suédois sont asphyxiés, plient, mais ne rompent pas. Le but qui serait sans doute libérateur tarde à venir pour les Argentins, et on commence à sentir au fil des minutes une certaine panique. D’autant que dans l’autre match, dans une chaleur suffocante à Ôsaka, Anglais et Nigérians se livrent une rencontre insipide qui se terminera par un 0-0 des plus oubliables.

Les hommes de Marcelo Bielsa sont donc plus que jamais dans l’obligation d’obtenir la victoire. Mais ils vont se faire surprendre à l’heure de jeu par un splendide coup franc de Svensson. Incapables de concrétiser leurs nombreuses occasions, les Argentins se font punir et font face au scénario catastrophe. Ils tentent le tout pour le tout, mais se heurtent encore et toujours à une défense suédoise courageuse et efficace et un Erik Edman des grands jours. L’espoir aura beau revenir après l’égalisation de Crespo à la 88e, mais jamais l’Albiceleste ne se montrera en mesure d’aller chercher un deuxième but qualificatif. Ce sont donc l’Angleterre et la Suède qui sortent vivantes de ce « groupe de la mort », et le favori argentin qui sort les larmes aux yeux. Mais ce Groupe F restera assurément dans l’histoire comme l’un des plus relevé de l’histoire de la Coupe du monde. Tous les matches étaient attendus, et n’auront pas déçus par leur intensité, leur qualité, leur suspense et leur dramaturgie.

Groupe G

Attention danger pour l’Italie ! Alors que l’on s’attendait à ce que ce groupe soit largement à sa portée, impression confirmée dans premier temps par la victoire tranquille face à l’Equateur, la Nazionale a réussi à se mettre toute seule dans la mouise en s’inclinant 2-1 face à la Croatie et en montrant d’inquiétant problèmes dans le jeu. Elle doit donc subir la pression de cette dernière, alors que l’Italie s’apprête à affronter le Mexique, impressionnant lors de ses deux premiers matches. Le Mexique qui n’est d’ailleurs toujours pas qualifié malgré ses deux victoires, et dont on peut attendre qu’il ne livrera pas une partie facile aux joueurs de Trapattoni.

La Croatie, elle, reste dépendante du résultat de l’autre match, mais peut partir du principe qu’une victoire par deux buts d’écart sera suffisant quoiqu’il arrive. Pourtant, elle affrontera tout sauf un adversaire démobilisé. Aussi surprenant que cela puisse paraitre, l’Equateur peut encore se qualifier en cas de victoire. Bien sûr, il faudrait que les circonstances soient très favorables (une victoire assez large combinée à une défaite de l’Italie), mais rien que la motivation d’obtenir une première victoire en Coupe du Monde devrait suffire à offrir une belle adversité aux Croates.

L’Italie va énormément souffrir face à la virtuosité des joueurs mexicains et le jeu collectif. Si la défense n’est pas trop mise en difficulté, le milieu transalpin a toutes les peines du monde à mettre le pied sur le ballon. Et c’est au terme d’une action collective absolument somptueuse que le Mexique va ouvrir le score sur première véritable occasion franche par Jared Borgetti. Un but qui à ce moment-là élimine l’Italie et fait l’affaire des Croates, lesquels ne sont pas franchement inspirés face aux Sud-américains.

Et dès le début de la deuxième mi-temps, c’est justement l’Equateur qui ouvre la marque, et permet à l’Italie de repasser à la deuxième place, malgré trois petits points, mais un goal-average neutre contre un négatif pour les Croates et les Equatoriens. Mais si l’Equateur est encore loin d’inquiéter au classement, les Azzurri savent qu’ils ne sont absolument pas à l’abri d’une égalisation croate. D’autant que le Mexique continue de faire le spectacle et passe à plusieurs reprises proche d’inscrire un deuxième but, qui ferait lui passer l’Italie à nouveau à la troisième place. Heureusement pour les Transalpins, grâce à une baisse physique de leur adversaire, l’Italie va réussir à égaliser à la 85e minute par Del Piero. Un but suffisant pour eux puisque le score ne bougera plus dans l’autre match.

C’est une terrible désillusion pour une la vieillissante Croatie, qui sera passée à côté de son match et qui peut nourrir beaucoup de regrets alors qu’une victoire contre l’Equateur n’avait rien d’insurmontable. Le Mexique termine lui à une brillante première place suite à trois matches d’une grande qualité. Tandis que l’Italie passe en huitième de finale par un trou de souris, bien heureuse d’avoir pu bénéficier de l’inconstance croate.  

Groupe H

Avant le début de la Coupe du monde, le Groupe H était du loin considéré comme le plus ouvert à défaut d’être le plus relevé. D’abord mis sous grosse pression face à la peur d’être le premier pays organisateur à ne pas franchir le premier tour, le Japon s’en est en réalité plutôt bien sorti après un premier match nul encourageant face à la Belgique, puis une victoire face à la Russie. Des Russes annoncés comme potentiels troubles fêtes dans ce tournoi, et qui malgré cette défaite face aux Japonais se retrouvent en position idéale grâce à une victoire sur la Tunisie, et surtout à la faveur de deux matches nuls décevant de la Belgique qui sera leur adversaire à l’occasion de cette troisième journée. Enfin, la Tunisie peut toujours croire en un miracle en cas de victoire par deux buts d’écarts face au Japon, bien que les Aigles de Carthage aient clairement montré qu’ils étaient de loin l’équipe la plus limitée du groupe.

Dans un stade d’Ôsaka totalement acquis à sa cause, le Japon va d’abord livrer une première période assez terne face à une Tunisie qui doit attaquer mais qui ne s’expose pas. Mais les choses vont rapidement s’accélérer au retour des vestiaires avec l’ouverture du score dès la 47e par Morishima. Libérés, les Japonais continuent à étouffer leurs adversaires africains et réussiront même à doubler la mise grâce à leur star Nakata Hidetoshi. Une victoire 2-0 nette et sans bavure qui concrétise une qualification méritée pour le Japon et qui récompense superbement le travail de Philippe Toussier à la tête des Samurai Blues depuis quatre ans.

L’autre match offrira pour sa part un scénario bien plus haletant. Bien que pouvant se contenter d’un match nul, les Russes feront face à une équipe de Belgique retrouvée qui réalisera une prestation XXL. Après l’ouverture du score de Walem dès la 6e minute sur un magnifique coup franc, les Diables rouges vont très largement dominer la rencontre grâce à un jeu collectif et une intelligence remarquable. Mais au retour des vestiaires, la Russie va parvenir à égaliser et tout et à refaire côté belge, plus que jamais proche de l’élimination. Mais dans les 10 dernières minutes, la Belgique va trouver les ressources pour inscrire deux buts quasi coup sur coup par Sonck puis Willmots. La réduction de l’écart de Sytchev dans le temps additionnel ne changera rien. La Belgique se qualifie au terme d’un match superbe au scénario renversant, et s’offre le droit d’aller affronter le Brésil huitième de finale.

Xixon

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19 réflexions sur « L’incroyable 1er tour de la CDM 2002 (2/2) »

  1. Xixon, parfait comme tout ce que tu écris, mais juste une remarque: scenarii est devenu désuet et obsolète, il vaut mieux employer scénarios avec un é. C’est peut-être un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup.

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    1. En fait le mot scenarii étant italien, la langue française a tendance à franciser les mots empruntés. Et voici ce que dit l’Académie française sur ce cas bien précis :

      « Selon l’Académie française, en effet, le mot scénario étant français (en italien, il n’aurait pas d’accent aigu), le pluriel « scénarios » s’impose — exactement comme pour lavabos ou pianos.

      Quand un mot d’origine étrangère est intégré à la langue française — en particulier si le sens est différent de celui de la langue d’origine — il cesse d’être soumis aux règles grammaticales de sa langue d’origine pour être soumis aux règles grammaticales françaises (rapport du Conseil supérieur de la langue française publié dans les documents administratifs du Journal officiel du 6 décembre 1990). C’est donc cette règle qui est d’usage lorsqu’un mot de cette nature est utilisé dans une contextualisation triviale ou à caractère indifférent, tandis que le pluriel archaïque reste occasionnellement utilisé pour mettre en évidence une sophistication du contexte, en exploitant l’effet de contraste avec la norme par la manifestation de son assonance harmonique particulière. »

      Oui je fais mon puriste 😎

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      1. Pour moi si le mot existe en français il n’y a pas lieu d’employer le mot italien. Ex: bravos, fortissimos, sopranos, tempos, etc. Quand j’entends les musicologues de France-musique, où d’ailleurs, nous parler de tempi et de pianissimi, ça m’énerve et trouve ça un poil cuistre.

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  2. Oh, de vrais Diables Rouges! Ca fait bizarre de voir une photo de Belgique encore en mode old’school ; puisse-t-on un jour renouer avec l’admirable spirit et la remarquable intelligence collective de cette époque-là, Waseige avait accompli un véritable chef-d’oeuvre vu les moyens dont il disposait – et Waseige était un entraîneur bio : tout dans la tête avec lui.

    On parle toujours du Brésil en 1/8èmes, à bien des égards une enculada, très beau match de DR qui ne méritaient pas semblable arbitrage..

    Mais j’ai vaguement souvenir, aussi, de décisions inversément plus favorables face au Japon voire à la Tunisie. Pas aussi grosses que cette annulation du but de Wilmots, mais pour le même prix c’était bye-bye le second tour.. Peut-être l’auteur voit-il à quoi je fais allusion?

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    1. NB : Sur la photo en port-folio, le plus doué était peut-être bien l’avant-dernier, le dénommé..Nico Van Kerckhoven (nom ronflant, n’est-il pas? 🙂 ).. et les autres figurant sur le cliché sont à peine voire moins encore connus!

      Et cependant : j’ai adoré cette équipe! ; affectivement je suis même quasi-certain que plupart des Belges la placent très, très haut dans leur coeur.

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      1. 2002 fut d’ailleurs la dernière compétition pour la Belgique avant le grand trou qui va durer jusqu’en 2012 et l’arrivée de la génération Hazard, Fellaini et consorts. Je me rappelle lors des qualifs pour le mondial 2010 et des défaites en Estonie, en Arménie… https://en.wikipedia.org/wiki/2010_FIFA_World_Cup_qualification_%E2%80%93_UEFA_Group_5

        En tant que français, je me disais « putain, la Belgique touche le fond, ils n’ont vraiment plus d’équipe »

        Une connaissance belge, de Namur, me racontait que dans cette période, afin de remplir le stade lorsque les Diables rouges jouaient, des places étaient offertes via des paquets de lessive. Vous revenez de très loin !

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    2. Sacré perf des Diables sur ce match en effet. Un vrai match de patron. Inattendu en plus vu comment les deux premiers avaient été décevants…
      Ca leur réussit plutôt bien aux Belges d’affronter les Russes ! (même si en 86, c’était plutôt des Ukrainiens).
      Je sais pas comment en vu Willmots en Belgique, mais moi, sur les quatre matches belges de ce tournoi, je le trouve vraiment fabuleux. Un vrai attaquant complet et performant.

      Et effectivement, ce 8e contre le Brésil. Un des meilleurs matches du tournoi.
      Est-ce que la Belgique aurait pu faire l’exploit si le but avait été validé ? On ne le saura jamais… Peut-être que le Brésil serait revenu et aurait gagné malgré tout ?
      En tout cas, c’est le genre de défaite où l’on est malgré tout fier de son équipe, et c’est le principal

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  3. Cette coupe du Monde, c’est l’éclosion de Klose. J’ai jamais ete un grand fan de son style de jeu meme si c’était un tres attaquant. Comment etre le plus prolifique en coupe du Monde alors que l’on ne fait peut-être meme pas parti des 10 plus grands attaquants Allemands de l’Histoire…

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      1. Évidemment mais c’est tellement un record mythique. Quand Ronaldo dépasse Muller, ok on reste dans la cour des grands mais Klose…
        Mais je suis certainement injuste avec lui. C’est plus son parcours en club qui me fait dire ça. En sélection, pas grand chose à redire.

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      2. Klose a toujours su répondre présent en équipe d’Allemagne. Sans doute un peu moins en 2014, où il est déjà franchement sur le déclin et est moins utilisé.
        Mais il joue, au total, 24 matchs de Coupe du monde ! Ronaldo c’est 19 matchs (pour 15 buts), Müller 13 (pour 14 buts), Pelé 14 (pour 12 buts), Klinsmann 17 (pour 11 buts)…

        Celui qui peut aller chercher Klose, c’est évidemment Mbappé. Il est déjà le deuxième meilleur buteur de l’histoire de l’équipe de France en Coupe du monde (7 buts en 9 matchs), devant Henry, Zidane, Platini, Kopa, etc. En plus, vu son âge et la longévité des mecs actuellement, il peut espérer disputer 5 Coupes du monde. Pour peu que la France fasse de beaux parcours, comme le fit l’Allemagne avec Klose, et donc qu’ils jouent beaucoup de matchs, il devrait pouvoir atteindre les 20 buts…

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  4. Cette coupe du Monde signifie le crépuscule de ma dernière idole dans ce sport, Batistuta. Il était pas bien vieux mais complètement cramé pour le haut niveau. Ça m’avait peiné à l’époque. Il marque bien en ouverture mais est si loin de l’attaquant qui avait mené au titre la Roma, un an seulement en arriere.

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    1. Ah là là les Irlandais !
      Le vent de fraicheur de ce mondial ! Eliminés sans perdre un match, revenant trois fois au forceps (Cameroun, Allemagne, Espagne).
      Et sans Roy Keane en plus, qui avait ragequit le groupe quelques jours avant.
      💚 Oui !

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  5. La Belgique avait aussi l’art de faire redescendre des Bleus trop présomptueux. Évidemment en 2002 mais aussi en 92, avec un grand match 3 partout au Parc. Fameuse Papinade et prestation de Scifo.
    Comme en 2002, la bande de Platini avançait vers l’Euro en tant que favori. Uniquement des victoires en qualifs. Mais comme en 2002, ce fut le crash et la déception.
    La video du match
    https://youtu.be/p0-0NvdktE8

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