Pakhtakor Tachkent, la tragédie du 11 août 1979

Les années passent, mais la douleur ne s’estompe pas,
ma tristesse s’est élevée bien au-dessus des montagnes.
Les oiseaux meurent en plein vol,
Et toi aussi, « Pakhtakor », tu as péri en vol.

Eduard Avanesov

11 août 1979, Tachkent est en deuil. Deux avions se sont percutés en vol, tuant 178 personnes dans le ciel de Dniprodzerjynski, dont 14 joueurs du Pakhtakor partis pour Minsk dans le cadre de la Ligue supérieure.

Les accidents d’avion, peu médiatisés en URSS, sont généralement oubliés quelques temps après l’événement tragique. Mais celui-là, car il concerne une équipe de football professionnelle, très populaire dans sa république d’Ouzbékistan, restera célèbre et obligera les autorités sportives à agir.

En effet, le Pakhtakor possédait alors la meilleure équipe de son histoire. Après avoir fini second de Première Ligue Soviétique (la seconde division en réalité) en 1977, les ouzbeks avaient terminé dixième du championnat l’année suivante, assurant le maintien assez confortablement.

Après la 18e journée du championnat , le Pakhtakor se plaçait à la huitième place du championnat, encourageant au vu des faibles écarts entre les clubs jouant le maintien et ceux visant les dernières places européennes (dix points seulement entre le sixième et le dernier).

L’équipe du Pakhtakor ne jouera la 19e journée que plus tard dans la saison, le match à Minsk ayant été reporté, faute d’une équipe prête à affronter les hommes d’Eduard Malofeev.

Le Pakhtakor termine finalement cette tragique saison à la neuvième place de la Ligue supérieure 1979, bien mieux que tout ce qui aurait pu être envisagé après la catastrophe du 11 août.

Parmi les morts, on peut citer Mikhail An, milieu de terrain offensif né à Tachkent de parents coréens et considéré comme l’un des meilleurs joueurs ouzbek de l’histoire mais également Yuri Zagumennykh, latéral gauche blessé très gravement quatre ans avant l’accident, au point d’être considéré comme « incapable de pouvoir remarcher »i. Ce dernier donnera tort aux médecins en marchant puis en jouant, quittant alors le Zenit Leningrad qui ne comptait plus sur lui pour aller à Tachkent.

A la suite de l’accident, la fédération soviétique accorde trois années de restructuration au Pakhtakor, le club restera en première division jusqu’en 1982 minimum, quelles que soient ses performances sportives.

En plus de cela, une quinzaine de joueurs quittent leur club pour aider à la reconstruction du Pakhtakor, le plus notable d’entre eux étant Andreï Yakubik du Dynamo Moscou, qui terminera meilleur buteur du championnat sous les couleurs ouzbèkes en 1982 grâce à ses 23 buts.

Andreï Yakubik sous les couleurs du Pakhtakor en 1981.

L’année et demi qui suit la catastrophe de Dniprodzerjynsk montre une stagnation du Pakhtakor alors que la saison 1981 est une catastrophe, le club terminant dernier du championnat. Le répit apporté par la fédération porte néanmoins ses fruits l’année suivante, le Pakhtakor réussissant la plus belle performance dans le championnat soviétique de son histoire en terminant sixième, derrière certains des mastodontes dominants le football soviétique.

Cette superbe saison sera néanmoins le dernier souffle de cette équipe, qui, après une saison dans le ventre mou, redescend en deuxième division en 1984. Les ouzbeks ne reverront la première division qu’en 1991, juste à temps pour jouer l’ultime saison de championnat en URSS, avant de dominer le championnat national ouzbek à partir des années 2000 et ce, jusqu’à aujourd’hui.

Liste des 17 personnes liées au Pakhtakor mortes le 11 août 1979 :

Idgay Tazetdinov, entraîneur.

Vladimir Chumakov, docteur.

Mansur Inomzhonovich Talibzhanov, dirigeant.

Sergei Pokatilov, gardien de but.

Olim Ashirov, Ravil Agishev, Yuri Zagumennikh, Nikolai Kulikov, défenseurs.

Mikhail An, Konstantin Bakanov, Alexander Korchenov, milieux de terrain.

Vladimir Fedorov, Vladimir Makarov, Viktor Churkin, Sirojiddin Bozorov, Shukhrat Eshbutaev, Vladimir Sobirov, attaquants.

i Prononcé “Dni – Pro – Dz -Air – J – Insk”, la ville fut ainsi renommée en hommage à Félix Dzerjinski, fondateur de la Tchéka, première police politique de l’état bolchevik, en 1936. La ville se trouve aujourd’hui en Ukraine et se nomme, depuis 2016, Kamianske, son nom originel. Elle était ainsi nommée lorsqu’elle vit son plus célèbre enfant y naître, Léonid Brejnev.

i http://www.pakhtakor.uz/news/unews/3615

35 réflexions sur « Pakhtakor Tachkent, la tragédie du 11 août 1979 »

  1. Merci Alpha. Mikhail An, c’est l’histoire de ces Coréens installés en Russie que les communistes ont massivement déportés dans les Républiques d’Asie Centrale. De nos jours, comme descendants, on retrouve les immenses boxeurs Golovkin du Kazakhstan ou Dimitri Bivol qui a battu Canelo Alvarez récemment. Deux styles de boxes mais de grands champions.

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      1. Pour ceux qui se souviennent de Montréal 76, on a également Nellie Kim, qui finira derrière Comăneci au général. Idem, d’origine coréenne mais née au Tadjikistan.

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  2. Merci Alpha. Je me souviens qu’il y a quelques années, Footballski avait publié un papier qui donnait les circonstances du drame, la négation de l’origine de celui-ci par les autorités soviétiques etc…

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  3. Totem d’immunité pendant 3 ans.. Pour United 58, plusieurs clubs proposèrent spontanément les services d’aucuns de leurs joueurs – et pas des moindres.. Est-il imaginable qu’un club de la sorte décimé, dans des circonstances tragiques, puisse aujourd’hui encore bénéficier sans mauvais jeu de mots (il est involontaire) de ce type de « parachute »?

    Qu’en fut-il pour ce club brésilien, il y a une dizaine d’années? Question du candide, d’ailleurs je ne me rappelle même pas du nom de ce club.

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    1. Dans le même esprit… En 1939, à la reprise de la Liga, le Real Oviedo ne peut s’inscrire faute de stade, le Carlos Tartiere ayant été détruit. Sa place est malgré tout « protégée » et le club reprend la compétition en 1940 dans l’élite. La trêve de 3 ans imposée par la Guerre civile dure 4 ans pour Oviedo.

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      1. Yep, merci!

        Et à Verano pour cette histoire que je ne connaissais pas.

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    2. A la reprise du championnat de D1, en 1945, Strasbourg, Metz et Le Havre avaient la garantie de ne pas être relégués. Ces clubs bénéficiaient de cette dérogation car leurs villes de résidence avaient bien morflé pendant la guerre. Résultat : c’est Lyon qui accompagna Sochaux en D2, alors que Metz et Le Havre avaient fini derrière le club rhodanien…

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  4. Une précision: Mikhail An était plutôt un milieu défensif / central qui officiait en meneur de jeu reculé.

    Avec son compère Vladimir Fedorov, c’était à l’époque deux des plus grands espoirs soviétiques. Ils auraient sans doute pris part à une Coupe du Monde si ce malheureux accident n’était arrivé.
    Ils ont été tous les deux Champions d’Europe U-23 en 1976 avec l’URSS, en sortant notamment en quarts de finale la France des Trésor, Bossis, Lopez, Janvion, Michel, Giresse, Zimako, Lacombe…

    Merci pour l’article.

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    1. Comment diable fais–tu pour savoir ça? 🙂

      Toujours intéressant, ces histoires de u23.. Ce lien me paraît ultra-complet : https://www.tapatalk.com/groups/roonbafr/1976-uefa-european-under-23-championship-t3327.html

      L’Italie envoya du lourd en qualifs : Antognoni, Scirea, Gentile, Di Bartolomei, Graziani..

      A compter des quarts et à la grosse louche : bonne moitié des équipes d’Ecosse et NL serait de la WC78 ou pressentis pour en être, la Hongrie aussi, et alors que dire de la France.. Pour beaucoup : des effectifs / joueurs sélectionnés qui montent clairement en gamme à mesure que l’équipe progresse dans le tournoi.

      Pour la Belgique, c’est dès les qualifs qu’elle avait envoyé du lourd mais beaucoup trop tendres encore : les Gerets, Renquin, Ceulemans, Pfaff, Daerden..commençaient à peine ou depuis très peu en « pros ».

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      1. J’ai regardé les seuls 2 povs matchs de dispos sur cet Euro ahah (quelle escroquerie hein? :D)

        Je m’intéressais plus à Fedorov qui était un attaquant très mobile et dynamique, et je suis par hasard tombé sur An qui était partout sur le terrain et qui tentait de mettre des « corners olympiques ». Sur l’instant j’ai rien compris à cet asiatique qui représentait le contingent ouzbek en équipe nationale soviétique, ce qui m’a amené à m’intéresser et découvrir l’histoire que raconte Khiadia plus haut.

        Merci pour le lien, il est effectivement très exhaustif. On peut voir qu’à peu près toutes les grandes nations envoient du lourd (ou du lourd en devenir) lors de cette compétition. C’est d’ailleurs la dernière édition réservée aux moins de 23 ans, la limite d’âge sera revue à moins de 21 ans ensuite. Des 2 matchs FR-URSS et URSS-FR que j’ai vus, le niveau était particulièrement bon.

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      2. Les corners olympiques étaient complètement communs à l’époque, on les tentait beaucoup, bcp plus qu’aujourd’hui……et c’était souvent payant!, souvenir d’un joueur qui en inscrivit même deux dans la même rencontre en D1 belge, le dénommé Rombaut de La Louvière je crois, face au Standard..?? Quoi qu’il en soit : un « geste » qui me manque, parmi tant d’autres..

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      3. Je crois que dernièrement je n’ai vu que Di María en tenter de temps en temps, ou alors Messi (mais plus rare). C’est en effet un art qui s’est perdu au profit de la recherche d’efficacité. Peut-être aussi parce que les gardiens sont de plus en plus grands et puissants qu’il en devient difficile de les battre à ce petit jeu.

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      4. Efficacité : tout un temps, le corner (pas forcément direct, non : le corner au sens large) était devenu la situation la moins « goalogène » du foot, je me souviens d’ailleurs que Mourinho avait ironisé là-dessus (du temps où il entraînait Chelsea)……….. Warum? Botteurs moins bons qu’avant? (je n’y crois pas) Gardiens et dispositifs défensifs plus efficaces?? C’est là que je m’étais dit que, tant qu’à faire : pourquoi ne pas le tenter plus souvent de manière directe?

        Ces dernières années, toutefois : efficacité accrue, les stats semblaient implacables……..mais à nouveau : warum, qu’est-ce donc qui a entre-temps changé?

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  5. Joli article ! Dire que les accidents (d’avion ou autre) étaient « peu médiatisés » en URSS est un euphémisme de premier ordre. Il fallait, après tout, montrer que la technologie et la civilisation soviétique étaient immunes aux maux qui frappaient celles des capitalistes. Ainsi le silence total sur une palanquée d’accidents d’avion (et du manque de « culture de la sécurité » qui en découle, visible aujourd’hui encore dans l’aviation russe), l’effondrement de l’escalier mécanique du métro de Moscou en 1982, ou encore la catastrophe du stade Lénine la même année, sans parler de l’accident nucléaire de Kychtym en 1957, connu seulement à la fin des années 1970, et en attendant Tchernobyl…

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    1. Eh là g-g-g, pensé à toi en lisant que, à Phoenix, des dizaines de personnes avaient été brûlées au troisième degré rien qu’en..tombant sur le bitume chaud???

      45-50°C dans l’air…mais +/- 15 de plus sur le bitume (rétention de chaleur oblige), ça doit être violent en effet.

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    2. Je ne le connais pas non plus mais je sais qu’il est construit profondément sous terre – vers les 30 mètres, à la manière du RER dans Paris mais pour d’autres raisons – sur décision de Staline qui voulait en faire un abri anti-aérien sûr. En conséquence, ses escaliers mécaniques étaient à l’époque parmi les plus longs du monde. Au plus fort de la guerre froide, impossible d’admettre que ce fleuron de l’industrie socialiste soit affecté d’un quelconque défaut. C’est pourtant l’insuffisance des systèmes de sécurité qui a provoqué la mise en accordéon de l’escalier et la chute mortelle d’une petite dizaine de personnes (bilan officiel, donc à accueillir avec prudence).

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      1. Idem à St Pétersbourg. Certaines stations, les plus anciennes?, descendent assez profondément.

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      2. J’avais été marqué par la profondeur singulière du métro de Washington, vertigineux par rapport à celui de Bruxelles..et de fait, en vérifiant à l’instant : 60 mètres à Washington!, c’est pas rien.. Peut-être y virent-ils, comme en URSS, une utilité parallèle?

        Un métro à Rennes, Dip??? A Liège ils ont voulu en construire un dans les 70’s, ont massacré des pans entiers de la vieille ville à cette fin………puis ont réalisé que c’était un chantier impossible tant les budgets explosaient au regard du caractère spongieux, marécageux, du terrain.. La ville, désormais trouée comme un gruyère, a mis un quart de siècle à se remettre vaille que vaille de cette gabegie financière……….et ces kilomètres de tunnels vierges d’avoir depuis lors tout au plus servi de terrain de jeu à du théâtre pour le moins alternatif (je me rappelle y avoir vu un « Marchand de Venise » pas piqué des vers : l’eau suintait littéralement des murs, un demi-mètre d’eau sur la scène..et il était fortement suggéré d’y aller avec des bottes, pour le coup c’était vraiment Venise – quoique underground).

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      3. On a même 2 lignes à Rennes depuis septembre 2022, c’est 2 lignes automatiques sans conducteurs (des travaux qui ont duré une éternité (8 ans), ils ont du livrer la ligne avec 2 ans de retard et le covid a eu bon dos :D)
        Je crois que Rennes est la plus petite ville au monde à disposer du métro.
        A titre perso, je trouve ça pratique, je le prends pour me rendre au boulot. D’un terminus à l’autre y’en à pour 22 minutes.

        http://www.metro-rennes-metropole.fr/accueil/sinformer/actualites/11_3257/metro_retro__8_ans_de_construction

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      4. Un métro sur pneumatiques??

        8 ans, ça va encore, non? C’est tout de suite pharaonique, ces chantiers (ne fût-ce que les impétrants..)..

        Métro de Liège, à compter de 2:30 : https://www.youtube.com/watch?v=UW8SncVt7Sw

        Dans les 90’s, ces galeries : c’était comme se réveiller dans un film de zombies, je comprends que ce journaliste n’ait pas trop voulu y pénétrer, lol.

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      5. Un tunnel parmi d’autres (pas le pire que j’aie vu!!!), Walking Dead au centre de Liège, lol : https://www.youtube.com/watch?v=yW7aQ2cOZWA

        C’est dans celui-là que j’allais au « théâtre », le royaume des tox commençait 20-30 mètres plus loin. Une fois j’y ai entendu un bruit de tronçonneuse, ké bazar..

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      6. Après avoir vu tes vidéos, je comprends mieux pourquoi tu as trouvé 8 ans de travaux raisonnables 😀
        Mais que font vos politiques en Belgique sérieusement? Pendez les! Ils font passer leurs homologues français pour des génies de la gestion.

        J’adore le style décapant du journaliste, autant te dire qu’aujourd’hui où quasi toute la presse appartient à des tycoons bien introduits dans les arcanes du pouvoir, ce genre de liberté de ton aux portes du cynisme ne peut plus avoir pignon sur rue.

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      7. Les études du métro de Rennes ont commencé en 1986 pour une inauguration en 2002, ce qui est dans la norme pour ce genre de projet. Je crois me souvenir que le percement de la ligne a n’a pas été de tout repos, avec des affaissements d’immeubles en centre-ville que l’on croyait pourtant avoir prévenus. C’est effectivement un métro sur pneus de type VAL, comme ceux de Lille et de Toulouse. À propos de métros sur pneus, invention française des années 1950 rattrapée vingt ans plus tard par les progrès de la technologie « fer », celui de Montréal l’est aussi, projet d’avant l’Expo 67 plus ou moins subventionné par Charles de Gaulle pour le rayonnement de « la Franananance ». Les nouvelles rames Bombardier-Alstrom sont les même que celles de Paris aux détails de déco près, ce qui procure une curieuse sensation de déjà vu…

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      8. Eh, il a bien fallu que « 2-3 » « trucs » se passent pour que cette région, l’une des plus prospères au monde encore dans les 50’s, soit désormais virtuellement faillie..

        Nos politiques? Si ça n’avait tenu qu’à ma grand-mère : « tous contre un mur et tatatatata », à la kalach. Au-delà de la simple médiocrité, y a peut-être matière aussi à compréhension du côté de certaines archives déclassifiées de la CIA, promotion des plus médiocres..voire des traîtres? Sans le savoir peut-être, l’épisode consacré au World Trade Center de Bruxelles abordait ces rivages-là..

        Ce journalisme, en l’espèce officiel (! – la RTBF de l’époque était des plus estimables), n’est désormais plus possible, non..

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      9. Les gros mots, tout de suite ? Pourquoi y aller à la kalach et non au FAL, fleuron de la FN de l’époque ? Restons belges !

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