Vinicius 1er

Vinicius par ci, Vinicius par là, le jeune ailier brésilien du Real Madrid est un crack, le doute n’est plus permis. Mais qui se souvient du premier Vinícius à avoir connu la gloire ?

Né en 1932, Luís Vinícius de Menezes a 19 ans quand il quitte le petit club de Sete de Setembro à Belo Horizonte pour Botafogo et Rio. Les spectateurs du stade General-Severiano découvrent alors un grand artilheiro qui se partage le front de l’attaque avec Dino Da Costa et Garrincha alors que Sylvio Pirillo est au crépuscule de son immense carrière. Ce ne sont pas les meilleures années du Fogão, une période intermédiaire durant laquelle le souvenir de l’enfant terrible Heleno de Freitas peine à s’effacer au profit du phénomène de foire Garrincha.

Debout : Gérson, Gilson, Nilton Santos, Danilo Alvim, Ruarinho et Orlando Maia. Accroupis : Garrincha, Dino da Costa, Carlyle, Paulinho Ladrão et Vinicius

Des difficultés financières et l’émergence du « buteur qui ne sourit jamais » Quarentinha incitent les dirigeants de Botafogo et leur coach Zezé Moreira à accepter les offres de clubs italiens concernant Dino Da Costa et Vinícius, séduits lors de la tournée européenne du Fogão durant l’été 1955. La Roma s’entiche de Da Costa alors que le Napoli s’éprend de Vinícius pour composer un duo d’attaque de rêve avec la star azzurra du moment, le Suédois Hasse Jeppson arraché à l’Atalanta trois ans plus tôt dans un moment de folie du président Achille Lauro.

Vinícius, rebaptisé Luís Vinício, découvre la Napoli pleine de ferveur et grouillante des années 1950, le petit peuple reprenant goût à la vie au milieu de chantiers par dizaines dont celui gigantesque du futur San Paolo, une bénédiction pour politiciens et promoteurs véreux prêts à tout pour masquer les meurtrissures de la guerre. Le Laurismo bat son plein, mouvement impossible à définir précisément, combinaison de populisme, royalisme et affairisme, incarné par la figure du Comandante Achille Lauro, maire, armateur, patron de presse et président du club. Avec lui, le Sud rêve d’abandonner son costume d’éternel perdant, la manière et le mélange des genres ne comptent pas. Un de ses slogans de campagne est « un grande Napoli per una grande Napoli». Alors il recrute des joueurs capables de faire rêver les tifosi, ses électeurs dont il n’hésite pas à acheter le soutien avant chaque scrutin.

Buteur dans l’ancien stade du Napoli, le stadio del Vomero.

Dès ses premières semaines napolitaines, Vinício déchaîne les passions et les polémiques. Premier thème dont s’emparent les journalistes : est-il vraiment Italo-Brésilien, condition indispensable à sa présence sur le terrain depuis l’instauration en 1953 du Veto Andreotti interdisant les joueurs étrangers ? Les justificatifs venus du Brésil sont suspects alors Lauro prend les choses en main et obtient d’un curé des environs de Naples un acte de naissance attestant de l’italianité du grand-père de Vinício. Personne n’est dupe, le frère de Vinício lui-même dément les origines italiennes de sa famille, mais la fédération ferme les yeux : Vinício peut évoluer aux côtés de Jeppson.

« Un grande Napoli » affirme Lauro ? Pas vraiment, les Azzurri ne sont jamais en mesure de prétendre au scudetto durant les cinq années napolitaines de Vinício. La première saison est fatale à l’entraineur Eraldo Monzeglio, pourtant plein de dévotion pour le président-dictateur en qui il retrouve probablement un peu de son ami Mussolini. C’est également cette année-là que le Napoli règle cinq millions de lires à un Argentin nommé Malandrino qui disparaît dès la somme versée.

Le club finit dans les bas-fonds du championnat, Jeppson décline mais Vinício impressionne par ses buts et sa combativité, devenant ‘O Lione. Après Sallustro dans les années 1930 et bien avant Sívori et Maradona, Vinício fait chavirer Naples. Toute la ville se presse à son mariage avec Donna Flora pour admirer ce grand brun suprêmement élégant dans son costume sur mesure, suivi de près par l’envahissant Lauro, porteur des alliances des futurs époux.

A l’arrière plan, avec lunettes noires, Achille Lauro.

Sa meilleure saison est la troisième, 21 buts et une quatrième place en Serie A avec l’ancien bomber Amadeo Amadei en successeur de Monzeglio. Amadei est un laquais, un faible, cherchant avant tout à plaire à Lauro, présent chaque matin au domicile du Comandante pour assister à ses exercices de gymnastique qu’il pratique souvent nu comme un ver. Par la suite, Amadei démontre sa capacité à fracturer un vestiaire, entretenant la jalousie d’une frange de joueurs vis à vis de Vinício. L’invraisemblable raclée contre la Roma 8-0 est un sabordage, l’œuvre du clan de Luciano Comaschi, un fidèle défenseur, leader du vestiaire, outré par certaines faveurs accordées à Vinício par Amadei au mépris du collectif.

Puis Emanuele Del Vecchio arrive à Naples, attaquant brésilien tourmenté, vivant dans le regret de Santos, conscient d’avoir manqué son rendez-vous avec l’histoire en s’éloignant par sa propre faute de Pelé[1]. Vinício et Del Vecchio ne s’aiment pas, leur association ne fonctionne pas, il faut choisir. Les tifosi soutiennent ‘O Lione mais Amadei le lâche. Il fait pression sur Lauro pour qu’il soit transféré, évoquant sournoisement une insuffisance de globules rouges et des symptômes syphilitiques. Amadeo choisit de fait Del Vecchio qui lui exprime sa gratitude quelques mois plus tard en le frappant lors d’un entraînement.

Les tifosi protestent et s’adressent à Lauro avec des pancartes sur lesquels est écrit « tu peux vendre ton âme mais pas Vinício. » Lauro n’écoute pas et le Napoli est relégué dès la saison suivante. Il ne fallait pas vendre Vinício, Luís Vinícius de Menezes de son vrai nom, Vinícius 1er [2].

L’an dernier, à l’occasion de ses 90 ans, aux côtés de Spalletti et des joueurs du Napoli.

[1] Il agresse un journaliste l’ayant critiqué et Santos se débarrasse de Del Vecchio alors que le club se prépare à régner sur le monde avec Pelé.

[2] Il évolue par la suite à Bologne, à Vicenza où il brille, et à l’Inter. Entraineur durant une vingtaine d’année, ses saisons avec le séduisant Napoli des années 1970 lui confèrent un statut d’icône à Naples où il vit encore à 91 ans.

26 réflexions sur « Vinicius 1er »

  1. Superbe Verano! Je ne connaissais pas le Veto Andreotti. Il y avait dès 1953, une interdiction d’aligner des joueurs étrangers? Ils sont pourtant nombreux dans le championnat

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    1. A l’époque, la Fédé n’a pas le courage d’interdire les joueurs étrangers qui pullulent (Nordiques et Sud-américains notamment) et bloquent l’ascension de jeunes Italiens alors que la Nazionale n’est pas flamboyante. La Federcalcio se tourne vers le gouvernement pour obtenir un texte devant s’imposer aux clubs et lui donner la possibilité de stopper la venue des étrangers. Andreotti pond alors son veto prévoyant que les joueurs étrangers ne peuvent plus obtenir de licences de la part de la Fédération. Mais le texte n’est jamais vraiment appliqué, les Oriundi bénéficiant de la nationalité italienne sans difficultés. Pour les « vrais » étrangers, la Fédé cède face à la pression des clubs qui ne veulent pas de ce texte. A titre d’exemple, le Suédois Selmosson signe à l’Udinese dès 1954 .

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  2. Hello Verano

    Merci pour cet article excellent .

    J’ai ça dans mes docs , un article en portugais traduit par Google donc pas top :

    Luis Vinicio a marqué plus de 150 buts en Serie A, joueur complet avec un mélange de compétences brésiliennes et de force allemande. Deux pieds, doté d’une grande force physique qu’il utilisait dans des frétillements impétueux en surface, avait de solides dribbles et tirs. Vinicio était particulièrement fort dans les batailles aériennes, avait une bonne vitesse et de la vitalité avec un jeu passionné, ce qui était complètement différent de son partenaire « l’homme de glace » Jeppson. À l’âge de 23 ans, Vinício est venu en Italie, rejoignant le club représentatif de Naples Napoli lors de la saison 1956-1957. Au total pour le club, il a disputé 152 matchs et marqué 69 buts sur une période de 5 ans. Il a déménagé à côté de Bologne, sa première saison là-bas a été bonne, mais l’année suivante, Vinício n’a joué que quelques matchs, il a eu une compétition acharnée pour sa place avec le jeune Harald Nielsen dans l’équipe. À l’été 1962, il retourna inconsolable au Brésil, après avoir trouvé peu d’action de football ces dernières années avec Bologne. Cependant bientôt il est rappelé en Italie par les dirigeants des Lanerossi Vicenza qui lui proposent un nouveau contrat. Pour Vinício, rejoindre Vicenza était comme une deuxième naissance dans le football italien. L’aventure en blanc et rouge pour Vinicius a été comme une seconde jeunesse, après une première année décente, il est revenu marquer comme l’âge d’or avec 17 buts en 1963-1964, donnant au Vénitien la sixième place du général et terminé troisième des marqueurs. En 1964-1965 il était encore crucial pour la dixième place en championnat alors que sa grande année fut 1965 – 1966 : il fut imparable avec 25 buts (le premier à atteindre ce niveau puis il sera un certain Marco Van Basten en 1991 – 1992 ) qui lui a valu le meilleur buteur et Lanerossi la cinquième place devant Milan et Rome. À l’été 1966, il quitta Vicence car Helenio Herrera signa Vinício pour jouer pour l’Internazionale. Son mandat à nerazzurro n’a cependant pas porté beaucoup de chance; il n’a disputé que 8 matchs pour le club et a marqué un but. Pour la dernière saison de sa carrière de joueur, il est retourné à Vicence à 36 ans. Cette saison l’a vu porter son record de buts au total, pour tous les matchs de joueur de Serie A au cours de sa carrière, à plus de 150 buts.
    « Dona » Orozina n’aime pas seulement enseigner les matières obligatoires à l’école primaire de Belo Horizonte, elle aime aussi le football, et ces cinq enfants qu’elle voit à la fin des cours se battre pour une petite balle en caoutchouc dans la cour de l’école l’envoient en relief . Parce que chaque jour les « fondamentaux » s’améliorent, ils apprennent à dribbler et, l’un, en particulier, tape déjà à la volée ce qui n’était que du plaisir. Ce champion en herbe, spécialiste des tirs au but, s’appelle Luiz de Menezes, appartient à une famille bourgeoise de Belo Horizonte, destinée à devenir professionnelle, avec une sœur déjà professeur d’éducation physique fiancée à un beau prof de tennis.

    Ce sont sa soeur, Luisa, et son beau-frère qui l’ont adéquatement préparé physiquement pour l’aider à supporter ses premiers engagements officiels dans une équipe de quartier, les « Aventureros », inscrits aux championnats des jeunes. Nous sommes en 1947, le futur champion de l’équipe première de Belo Horizonte, ville brésilienne d’environ un demi-million d’habitants, dans l’État du Minas Gerais, a quinze ans et, selon des proches et des amis, est déjà Vinicio. Des « Aventureros » à la « Metallusina », en passant par les « 7 Settembre » de don Antonio Lunardi, son grand mentor, et de Jair de Assis, son premier professeur qui, à l’entraînement, l’a également marqué par trois adversaires pour améliorer son force et ténacité. Ce Jair qui l’amène à se compléter comme un avant-centre de percée qui fait son chemin avec force, à force de buts, parmi les nombreux jeunes joueurs émergents du football de Belo.
    Au point que, tout juste dix-huit ans, fraîchement inscrit à la faculté d’architecture, son nom se retrouve dans le carnet du président du mythique Botafogo de Rio, Carlito Rocha. Affaire conclue. Quatre mille cinq cents cruzeiros par mois (quatre-vingt-dix mille lires au taux de change de 1951), chambre, pension et frais universitaires payés. Le jeune provincial débarque à Rio et met timidement les pieds dans la société qui a donné des champions du monde de football tels que Didi, Garrincha, Zagalo, Nilton Santos, Zezè Moreira, une gueule de bois de fierté pour la mère Giuditta, pour « Dona » Orozina, l’enseignante – éventail, pour les neuf frères de Menezes.

    Trois saisons à Botafogo et il devient « le lion » lorsqu’un super-fan envoie quelques vers du dimanche à un journal sportif de Rio pour le célébrer ainsi : « Vinicio, ton nom est le bienvenu, avec ta renommée de champion tu as, en ta poitrine, le cœur d’un lion ». Alors quand le club de Rocha décide d’inventer une tournée européenne pour mettre en valeur ses meilleurs joueurs, Pasqualini, médiateur spécialisé dans les affaires avec les marchés sud-américains, suggère aussi le nom de ce « lion » à Achille Lauro. Don Achille sait que Botafogo, après le Real, visiterait les sauterelles suisses puis arriverait à Turin pour un match amical face à une équipe mixte Juve-Toro.
    Napoli rachètera Vinicio » proclame le commandant. Gino Palumbo, maître inégalé du journalisme et de la vie, se rend à l’amicale : « Nous avons plus aimé Vinicius que son célèbre partenaire Da Costa. Le footballeur blond – écrit-il dans Il Mattino – est à notre avis un grand avant-centre : le placer aux côtés de Jeppson, si la réglementation fédérale le permet, pourrait être une idée formidable ».
    Après Turin, Botafogo débarque à Rome qui s’apprête déjà à accueillir Da Costa en jaune et rouge. Autre bon test du « Lion »: « J’étais sous la douche – dira Vinicio – alors que le match venait de se terminer, lorsqu’un gentilhomme souriant m’a abordé en compagnie de Rocha. Il a dit son nom en me tendant la main, mais je n’ai pas compris grand-chose. Peu de temps après, cependant, Carlito m’a dit qu’il était l’entraîneur de Naples, Monzeglio, mon futur entraîneur dans le Napoli de Jeppson, l’avant-centre que j’avais tant admiré lors de la Rimet Cup 1950 ».

    Le transfert est finalisé fin août 1955 après avoir « réglé » un petit problème personnel : comme il y a trois étrangers à Naples (Jeppson, Pesaola, Vinyei), et que seuls deux sont autorisés, on tente de trouver un parent italien à Vinicio. Un curé d’Aversa déterre une famille dans la ville de Caserte avec le nom de famille de la mère de Vinicio, Amarante, et prétend qu’une femme portant ce nom, qui a émigré au Brésil, est la grand-mère du joueur. Sans les documents nécessaires, cependant, la parole du curé vaut zéro et Lauro est contraint de renoncer au Vinyei hongrois. Petite anecdote : lorsque la nouvelle des prétendus parents d’Aversa se répand, un jour Vinicio est rejoint au Parker’s Hotel, où il séjourne, par une foule d’Aversans qui l’appellent mon oncle, mon cousin et mon neveu. Il aura du mal à les chasser.
    La saison 1956/57 se termine par un événement mémorable, le mariage de Vinicio dans la basilique de San Francesco sur la Piazza Plebiscito, bondé de fans, la place était également bondée, et avec Lauro la bague du marié apparaît. C’est un vieil amour de Vinicio, Flora Aida Piccaglia, avec des grands-parents émiliens de Zocca. C’est un vrai mariage napolitain : Vinicio descend d’une Cadillac en jaquette, Flora l’attend avec un voile de treize mètres. Sur une pancarte hissée sur la place, il est écrit : « Mariages à Naples, heureux pour toujours ». Vinicio a 25 ans et Flora 19. Un fan de santé, Alberto Annunziata, intervient portant une tétine décorée en bleu. Un groupe de mandolinistes joue : « Je t’ai rencontré à Naples ».

    Ils se sont rencontrés très jeunes sur la plage du Gouverneur, près de Rio. Son père, grand industriel de l’eau minérale au Brésil, s’oppose aux fiançailles de sa fille avec le jeune homme sans le sou qui a interrompu ses études d’architecture pour taper dans un ballon. Le transfert de Vinicio en Italie a rompu la relation entre les deux garçons. Cependant, la famille de Flora a l’habitude de venir en Italie chaque printemps pour rendre visite à des parents émiliens et une année ils s’arrêtent à Naples. L’équipe bleue s’entraîne et joue toujours à Vomero et les joueurs vivent sur la colline. A midi, ils descendent aux chalets Mergellina pour l’apéritif, puis chacun de leur côté avant de se retrouver pour l’entraînement de l’après-midi. Vinicio fait un tour en voiture via Caracciolo en regardant les filles se promener. Il en voit un groupe, les regarde avec insistance pour se rendre compte, incroyable à dire, que l’une des filles est Flora.
    Deux ans d’absence n’ont pas effacé le sentiment né au Brésil. Vinicio se présente à M. Piccaglia, qui a logé avec sa famille dans un hôtel en bord de mer, pour dire : « Je suis toujours quelqu’un qui tape dans un ballon, je ne suis pas devenu architecte, mais je ne suis plus sans le sou ». L’industriel rit : « Je le sais bien, tu es devenu célèbre et tu gagnes bien ». Luis et Flora ont le feu vert pour le mariage qui est célébré le 22 juin 1957, un samedi. Par une singulière coïncidence, dans un autre hôtel du front de mer, ce même après-midi Hasse Jeppson célèbre l’annonce de son mariage avec Emma De Martino qui sera célébré quatre jours plus tard au Faito avec l’absence contrariée de Lauro qui, n’ayant pas aimé les contacts de l’avant-centre suédois avec l’Inter l’a vendu à Turin.

    Les deux dernières saisons bleues de Vinicio sont marquées par le déclin de l’équipe. Un nouveau tandem échoue, celui 100% brésilien de Vinicio et Del Vecchio. Amadei insiste auprès de Lauro pour qu’il vende Vinicio. «Il ne va pas bien», déclare l’entraîneur au commandant, confirmant la rumeur selon laquelle le Brésilien souffre d’un nombre insuffisant de globules rouges. En réalité, la « guerre » d’Amadei contre Vinicio et son ami Pesaola est en cours. Les supporters, pressentant l’hypothèse que le Brésilien sera vendu, hissent une pancarte au stade qui dit : « Vends ton âme, mais pas Vinicio ». Mais désormais, le vestiaire bleu est un repaire de mauvaise humeur et de clans. Le dernier anneau du lion est le but de la grande victoire (2-1) contre la Juventus le dimanche où le « San Paolo » est inauguré : 6 décembre 1959, 80 mille spectateurs, 70 millions de recettes. En fin de saison, Vinicio a été vendu à Bologne dans une négociation scandaleuse : Napoli aura Pivatelli et Mihalic du club de Bologne et réglera la facture en versant 122 millions. Naples est tombé en Serie B.
    Après une bonne première saison chez les Bolonais, l’année suivante son étoile est éclipsée par Nielsen et Vinicio à l’été 1962 décide de retourner tristement au Brésil. Et ici, son expérience avec Lanerossi Vicenza prend vie. Après un début de championnat un peu boiteux sans avant-centre, la direction en laine tourne son attention vers un joueur brésilien qui à Naples est devenu l’idole des supporters en inscrivant 69 buts et qui a déménagé à Bologne avec peu de chance pendant deux ans, seulement 17 buts et décroché par le club de Bologne. Le joueur part déjà pour retourner au Brésil et les managers de Vicenza l’interceptent et le bloquent sur le navire, lui proposant un contrat. Vinicio avait déjà trente ans et se sentait en fin de carrière mais il a accepté et est arrivé à Vicence en octobre pour faire ses débuts lors de la septième journée à Rome où Vicence s’est imposé 1-0 sur un but de Puia.

    La course de ce championnat amène les rouges et blancs à la 7e place, derrière les grands, inaugurant une période dorée pour Lanerossi Vicenza, une équipe redoutée et respectée depuis des années par tous ses adversaires. La défense de cette année-là est le légendaire Luison Zoppelletto Savoini De Marchi Panzanato Stenti. Vinicio marque 7 buts mais son envie de jouer au foot, sa puissance dans la surface et au tir donne de la force à tout le département en marquant Puia (10) Vastola (5), Humberto (4), Menti (3), Campana (2) . Encore mieux pour l’équipe l’année suivante, terminant 6e, seul représentant vénitien en Serie A, et remportant le championnat provincial deux années de suite, offert par Tuttosport. Vinicio marque à plusieurs reprises dans la première partie du championnat avec son coéquipier Vastola (la paire sera surnommée V2) amenant Lanerossi en tête du classement avec Milan. En fin de championnat, Vinicio marque 18 buts et Vastola 7.
    Au championnat suivant les lainiers chutent à la douzième place mais les deux se répètent : Vinicio 12 buts et Vastola encore 7. Le meilleur reste à venir : en 1965-66 Vinicio devient meilleur buteur de Serie A avec 25 buts et l’équipe conquiert un splendide sixième place au classement. Vastola est parti mais Maraschi est arrivé à ses côtés avec Colausig, De Marco, Carantini et les jeunes Poli et Fontana. Scopigno est également parti et Campatelli est à la tête de l’équipe, La ville est en feu : une grande victoire à domicile sur Milan 1-0 et une finale de championnat retentissante à Bologne 3-0 avec tous les buts de Vinicio et pour Vicenza c’est un triomphe.
    Luis Vinicio est sur toutes les lèvres à 34 ans, lui qui pensait avoir terminé sa carrière quatre ans plus tôt. Son arrivée à Vicence emmène l’équipe vers des sommets inattendus, sa sympathie et sa simplicité font de lui, comme cela s’est déjà produit à Naples, l’idole des supporters rouges et blancs, mais les besoins budgétaires du club et l’appel du magicien Herrera le conduisent à Milan, pour une année nébuleuse.

    «C’est le président Angelo Moratti qui m’a voulu. Le contrat était avantageux, la place importante, le personnel très fort. Comment pourrais-je refuser ? Au début, ma relation avec Helenio Herrera était excellente. L’entraîneur avait demandé un point de poids, capable d’ouvrir les écarts pour Mazzola, qui a préféré partir de derrière. J’ai joué les cinq premiers matchs, aidant Sandro à marquer une demi-douzaine de buts. Cependant, il y avait quatre étrangers dans l’équipe, trop pour les limites de l’époque. En plus de moi, il y avait Suarez, Jair et Peirò. Seuls deux pouvaient jouer et pour moi il n’y avait pratiquement pas de place. Je n’ai même pas été convoqué et j’ai donc pris l’habitude de passer tous les week-ends à la montagne, où j’ai appris à skier. Bref, j’ai passé un an comme touriste avant de retourner à Vicence».

    La grande équipe ne l’exalte pas et l’année suivante il revient à Vicence où il mettra tout son courage pour ce qui sera le dernier championnat de sa carrière. Il y a sept buts marqués mais Vinicio préfère raccrocher les crampons et finir avec les honneurs laissant ainsi une trace indélébile et un souvenir passionnant.
    Après avoir terminé son activité de compétition en 1968 au bel âge de 36 ans, il a immédiatement commencé à entraîner en faisant un apprentissage avec Internapoli (qui à l’époque alignait Chinaglia et Wilson), Brindisi et Ternana. En 1973, la grande occasion de la Serie A et de Naples où il fut le premier en Italie à appliquer le « new deal » du jeu néerlandais. Vinicio rappelle : « Selon moi, la zone reste le type de jeu le plus rentable. Je me suis souvenu de mon époque en tant que footballeur. Il y avait des marquages très serrés, tu as joué pendant quatre-vingt-dix minutes en dehors de ta zone car tu devais suivre ton homme partout. Ainsi l’équipe a été privée de la possibilité de s’exprimer, de mettre en place des actions. Au lieu de cela, un adversaire doit être contrôlé par le joueur le plus proche de lui. En possession du ballon, c’est une autre affaire, chacun doit participer, se rendre disponible pour que le ballon tourne. Je me souviens que dans toutes mes équipes, d’Internapoli à Brindisi en passant par Ternana, nous avons eu un beau match fluide. On a besoin de joueurs à la hauteur, qui savent marquer et jouer. C’est inutile de travailler dans le coin quand on a peu d’hommes disponibles. A Naples, la première année, ce n’était pas possible, car le libre était Zurlini : lent, il comportait des risques. Mais avec l’arrivée de Burgnich, employé dans la ligne des défenseurs, on a appliqué toute la zone. J’en ai parlé avec mes joueurs, qui étaient ravis. Fini les marquages d’hommes rigides, place au contrôle de zone, au pressing et au hors-jeu. Lorsque nous avons perdu 6-2 lors d’un match à domicile contre la Juve, j’ai demandé aux garçons s’ils préféraient revenir en arrière. Pas du tout. Ils m’ont tous supplié de continuer l’expérience. Alors nous l’avons fait : après avoir assimilé la forme, nous avons joué un championnat extraordinaire».
    En fait : lors du championnat 1974/75, Naples a terminé deuxième, à deux points de la Juventus. La saison suivante, malgré la présence de l’avant-centre milliardaire Beppe Savoldi, s’est cependant terminée par une cinquième place décevante quoique atténuée par une Coupe d’Italie. En 1976-77, il est appelé à entraîner la Lazio où il doit mener la délicate période post-Maestrelli. L’entraîneur brésilien est pourtant à l’exact opposé de celui qui l’a précédé : si Maestrelli a réussi à garder le vestiaire en main tout en laissant libre cours à la personnalité de chacun des joueurs, Vinicio incarne plutôt l’attitude inverse. En raison de sa forte personnalité, il est considéré comme un «sergent de fer», une attitude qui aliène la sympathie de la vieille garde et qui le conduit à sévèrement freiner l’exubérance de jeunes comme Giordano et Manfredonia. La première année, Vinicio a terminé le championnat à la cinquième place, un placement qui lui a valu une confirmation pour la saison suivante.
    Cela semble être le début d’un nouveau cycle de victoires, mais la saison suivante (1977/78), précisément à cause des choix de Vinicio, sera difficile. Lors du marché des transferts, seuls arrivent ses protégés, déjà formés à Naples, Sergio Clerici, 36 ans, et Luigi Boccolini, 29 ans. Il décide aussi de mettre de côté Pulici (vendu en octobre à Monza après 150 matchs consécutifs) et de lancer le jeune Garella. Son caractère décisif se heurte alors au groupe auquel il tente d’imposer la défense de zone. La Lazio lutte pour ne pas reléguer, Garella paye son inexpérience par plusieurs erreurs (rebaptisé par les supporters « garellate »). Après un début de saison décent (pour se souvenir de la victoire 3-0 à l’Olimpico contre la Juventus), l’équipe s’est effondrée. En Europe, ils ont été éliminés au deuxième tour par les Français de Lens (6-0 ap au retour). Le club décide de le disculper à la 24e journée après la défaite face à Foggia.
    En octobre 1978, Ferlaino a étonnamment rappelé Vinicio sur le banc de Naples. Gianni Di Marzio est en effet limogé après seulement deux matches de championnat. O’Lione trouve les nouvelles recrues Castellini, Caso, Majo, Filippi, Tesser et Pellegrini en bleu, alors qu’il doit se passer de Chiarugi, La Palma, Pogliana, Mocellin, Stanzione et nul autre qu’Antonio Juliano qui après 16 ans à Naples est exilé à Bologne. Le championnat de Naples est terne, et malgré le retour de Vinicio sur le banc, il voit les Azzurri battre la Roma 1-0 au San Paolo, ça va continuer dans des hauts et des bas. Parfois le spectacle est déprimant et après la défaite 2-0 contre l’Inter, les Napolitains encaisseront 8 nuls consécutifs, avant de revenir s’imposer contre Vérone 1-0. La saison suivante est si possible pire. L’équipe souffre du départ de Savoldi et Vinicio ne trouve pas de solutions valables pour l’attaque. Au final, les buts marqués par les Napolitains ne seront que 20 et pour 18 matches sur 30 l’équipe quittera le terrain avec de la poudre mouillée. O’Lione est au bout du fil et Ferlaino le remplacera par Sormani à quelques matchs de la fin de la saison.
    De Naples à Avellino : vous restez toujours en Campanie. Vinicio est appelé par le président de la Sibilia pour sauver le peuple d’Irpinia, plombé par la sanction des paris sur le football (il partira de -5). Le début n’est pas le meilleur, deux défaites, mais au final O’Lione réussira l’entreprise en valorisant deux très jeunes talents tels que Stefano Tacconi et Beniamino Vignola, ainsi qu’en sevrant le talentueux Juary au football italien. Le miracle semble se répéter également la saison suivante jusqu’à ce que, et nous sommes en mars 1982, Vinicio démissionne de manière inattendue contrairement à Sibilia qui n’avait proposé une poursuite du contrat qu’en cas de victoire dans le derby contre Naples. Il laissera cette déclaration à la presse : « C’est un choix qui me coûte cher mais que j’estime nécessaire dans l’intérêt de l’entreprise et mon intérêt personnel. Malheureusement, je suis certain que les conditions de réalisation de mon programme n’existent pas actuellement »

    Un autre président pour le moins volcanique, Romeo Anconetani, veut assurer la direction de Vinicio. Le nouvellement promu Pise est la nouvelle destination pour O’Lione qui démarre bien le championnat, obtenant, dans les cinq premières journées, deux victoires et trois nuls avant de s’installer dans l’arrière-garde et d’atteindre tout de même un salut confortable. Parcours du combattant la saison suivante : Anconetani ne confirme pas Vinicio et place Bruno Pace sur le banc pour ensuite se repentir et rappeler le Brésilien qui de toute façon ne pourra garantir la Serie A à l’équipe toscane. C’est sa première relégation en carrière.
    À ce moment-là, la carrière de Vinicio était en déclin. Pas plus qu’anonymes ne restent les dernières performances sur les bancs de Serie A avec Udinese et encore avec Avellino, tous deux assaisonnés d’une dispense après une première et pas plus que suffisante saison. O’Lione est fatigué, la veine et les innovations qui l’avaient distingué dans ses premières années avec Naples ont maintenant disparu. La dernière apparition remonte à la saison 1991/92, série C2. A la tête de la Juve Stabia, le Lion a poussé son dernier rugissement en tant qu’entraîneur, parvenant à sauver l’équipe de Campanie de la relégation.

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    1. Merci Hincha.
      Vinício entraineur, c’est un Napoli emballant qui glane des places d’honneur. Un peu comme celui de Sarri récemment, toutes proportions gardées. Je pense que ce sont ses meilleures années en tant que coach.

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      1. Tiens Verano. Tu les classerais comment ceux là? Vava, Waldo, Quarentinha, Coutinho, Amarildo, Pepe, Jair?

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      2. Ouh la… difficile. Tous n’étaient pas des 9, Pepe et Jair étaient ailiers ou attaquants excentrés. Ensuite, difficile de comparer ceux qui sont venus en Europe avec ceux restés au Brésil. Je mettrais Vavá en 1 devant Altafini pour son extraordinaire carrière en Italie.

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      3. Oui, évidemment pour Pepe et Jair.
        Vava devant Coutinho? Intéressant

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      4. Tu mets Coutinho devant les autres ? Il est extraordinaire avec Santos et Pelé mais en sélection, c’est pas top. D’où Vavá.

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      5. Il me semble que Coutinho a atteint un niveau avec Santos que Vava n’a jamais connu. Que ce soit avec Vasco ou le Bresil. Le ratio de Vava est meilleur en selection mais il me semble moins complet.

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      6. Vavá est un pur 9, Coutinho est plus complet mais qu’aurait il été sans Pelé ? A Santos, Pepe m’impressionne plus que Coutinho.

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      1. Ah mais le Brésil, c’est la foire du boudin rayon grosses frappes.

        La Belgique a connu de phénoménaux frappeurs..mais le plus impressionnant (quoique pas toujours le plus précis) aura peut-être été le Brésilien du Standard des 60’s Germano – frappes presqu’aussi incroyables que son parcours, m’en a-t-on toujours dit.

        Je relirai demain mais première lecture déjà fort appréciée, merci.

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      2. Une pensée pour les bienheureux boomers qui découvrirent incrédules, Pelé, Pepe, Coutinho et Eusebio un soir de juin 1961 à la télévision, devant la finale du tournoi de Paris qui vit Santos s’amuser avec Benfica 6 buts à 3 !

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    1. @khia, Je viens de jeter un œil sur quelques sites, j’ai trouvé le classement des 11 meilleurs avant-centres brésiliens selon le commentateur Milton Leite :
      Leônidas, Ademir de Menezes, Vavá, Mazzola (Altafini), Coutinho, Tostão, Reinaldo, Roberto Dinamite, Careca, Romário et Ronaldo. Si je comprenais mieux le portugais, je l’achèterais. Les portraits sont réalisés sous forme d’interviews et par exemple, pour Vavá, c’est Zagallo qui en parle, alors que pour Coutinho, c’est Pepe.
      Sur la période qui nous intéresse, nous avons cité les trois, ouf !

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      1. Hehe
        Tostao… Vraiment dommage cet arrêt brutal. Il a quoi 26, 27 ans?
        De mon côté, y a un bouquin en portugais qui me fait de l’oeil, les 100 meilleurs joueurs portugais de l’histoire. Il me semble que c’était Record qui avait ça. Mais je pense que tout un bouquin serait fastidieux. Je ne maîtrise pas suffisamment la langue.

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      2. Belle brochette !
        Et les 11 plus grands avant-centres français ?
        A vous de jouer.

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  3. Je suis très agréablement surpris par le sérieux, la justesse et la profondeur des articles de Verano82………..un grand bravo et un aussi grand merci.
    J’ai 69 ans, napolitain depuis 1983 en France, pendant 14 ans abonnée de la curva B du San P…… »Maradona », jamais il m’est arrivé de lire en France un article sur le Napoli sans que je m’énerve pour des exagérations, des inventions ou des manques flagrant de connaissances historiques et culturelles sur des articles ayant Naples et/ou le Napoli, comme sujet. Là je n’ai pratiquement rien à dire,….chapeau !!!!

    Faut prendre les livres de Curzio Malaparte pour des pages de journalisme assez romancé, donc pas toujours réel, mais qu’importe dans le fond !…….. leurs lectures restent plaisantes ( même si de position politique vraiment divergentes j’ai ressenti une certaine affinité avec des livres de Gabriel Garcia Marques……….! ) .
    Je peut vous conseiller plein de livres sur Naples, mais qui malheureusement ne sont pas souvent traduit en français……demandes-moi et je vous répondrai avec plaisir !

    Encore un grand bravo et….mes plus plates excuses pour mon orthographe en français……..

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      1. Dans la collection « Visite Privée » NAPLES Ed. Chene

        Pour commencer ……

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