Pas de raison, seulement l’Amour

Quand je vois des personnes supporter des grands clubs habitués aux titres, je ne peux pas m’empêcher de me dire qu’ils ont la chance de voir leurs protégés leurs offrir quasi chaque années des titres ou des matchs le mardi et le mercredi soirs. Quand je vois des personnes supporter des équipes beaucoup plus modestes qui leur ont offert une coupe nationale ou un titre national marqué d’un exploit, je ne peux pas m’empêcher de me dire qu’ils ont de la chance…

Car oui , le club de mon cœur ne m’a jamais offert un titre de mon vivant. Pourtant, j’y ai cru en 2006 : finale de FA Cup , West Ham – Liverpool , le Liverpool de Benitez qui un an avant avait offert au monde entier l’un des plus beaux retournements de situation dans une finale de Ligue des Champions à Istanbul. En effet, totalement dominés et menés 3-0 par Milan et ses étoiles, les joueurs rouges de la Mersey parvinrent à revenir et remporter cette finale aux tirs au but.

C’est donc logiquement que Liverpool partait favoris face à mes Hammers. En demi-finale, les joueurs de l’East London avaient éliminé Middlesbrough. Ce jour-là, avant le début de rencontre, les supporters avait rendu hommage à John Lyall, emblématique entraîneur écossais de ce club décédé quelques jours avant, un vibrant hommage et une belle performance amenant West Ham à voir les portes de la finale.

Revenons à cette finale justement. West Ham mène 2-0 assez rapidement et, à ce moment-là, je marche sur un nuage. A cette époque, mon amour pour West Ham n’était pas encore à son apogée, j’étais ce jeune homme croyant à des illusions – vous connaissez tous ça, le premier amour, les premiers émois, les premières promesses, l’utopie totale en laquelle on croit dans la jeunesse , ce jour-là j’ai connu ma première vraie claque, celle qui vous laisse une marque rouge sur la joue…

Avec ce 2-0 je pensais bien que le match était plié, de la réussite pour nous, aucune pour Liverpool, le destin était tracé, je le pensais jusqu’à ce Liverpool revienne à 2-2 avec notamment une superbe reprise en première intention de Djibril Cissé. A ce moment-là, je me dis que c’est le début de la fin. Mais Konchelsky marque le troisième but pour West Ham avec une incroyable réussite, un centre qui se transforme en tir direct en lucarne opposée, encore de la réussite… La suite fut un siège de Liverpool dans le camp des Clarets and Blue, mais les joueurs de West Ham tenaient leur victoire comme des héros. Nous sommes alors dans les arrêts de jeu, sur une action anodine un ballon est repoussé dans l’axe par la défense de West Ham. Steven Gerrard, qui est alors à environ 25-30 mètres du but, déclenche un caramel qu’on lui connaît déjà si bien… La suite est évidente, ce tir est celui qui permet aux Reds d’égaliser. West Ham-Liverpool doit passer par une prolongation et peut-être des tirs aux buts pour se départager.

A l’image de ce que je peux lire sur les visages des supporters londoniens, mon visage est tendu derrière mon écran. Je doute et me dis que cette égalisation n’est pas arrivée pour rien, et que celle-ci est moralement un coup de massue. Malheureusement, West Ham finit par être vaincu à la séance des tirs au but, terrible désillusion dans un match incroyable de rebondissements et rythmé comme seuls les Anglais savent en procurer.

Ça y’est, j’ai découvert le véritable amour, pas ce truc niais digne d’une comédie américaine ou française où tout est beau et parfait comme le monde merveilleux de Disney. Non, là je parle du vrai, celui qui sent bon la passion, les incompréhensions, les disputes, les colères, les réconciliations tendres ou sauvages, bon pas non plus de là à parler d’une relation à la Sid et Nancy. Non, là j’ai eu mon Alabama à moi, elle peut faire peur au début puis à force de la connaître on s’aperçoit qu’elle demande rien d’autre que de la fidélité et de la passion, ça tombe bien j’avais que ça à offrir. Certes, rien ne me garantit que mon Alabama m’aimera autant qu’elle aimait Clarence dans True Romance, mais je m’en fous. Je l’aime, point barre !

West Ham m’a trahi ce jour-là, a joué avec mon cœur, m’a fait croire au bonheur pour au final me tourner le dos au dernier moment. Mais je suis tombé amoureux. Comme si j’avais aimé ça, à moins que ce ne soit ça l’amour, souffrir pour aimer. L’été 2006, West Ham frappe un grand coup, deux recrues sont officiellement présentés, un certain Carlos Tevez et un certain Javier Mascherano, deux joueurs très prometteurs selon les spécialistes et qui ont fait leurs preuves en Amérique du Sud, deux internationaux argentins à West Ham, comme si je vous disais que Rihanna et Beyoncé acceptaient un rencard avec l’employé d’un MacDo situé en banlieue parisienne, c’est beau mais difficile d’y croire sur le moment.

Dans un effectif composé du jeune Mark Noble, de Bobby Zamora, de Yossi « Benayoung », de Carlton Cole, du frère de Rio Ferdinand ( Anton Ferdinand ) , de Harewood, de Lee Bowyer, la cuvée 2006/2007 semble des plus prometteuses pour les Marteaux. Mais elle s’avère au final être une catastrophe. L’équipe, malgré un jeu plutôt intéressant, est déséquilibrée : la défense est friable et l’équipe se retrouve rapidement relégable. Elle prend énormément de retard sur ses poursuivants et, en mars, elle semble déjà condamnée à descendre de nouveau après la relégation de 2003. De l’avis unanime, deux ans après son retour West Ham doit descendre. Moi-même je n’y crois plus.

Dernière journée, West Ham se déplace à Old Trafford. West Ham l’emporte 1-0 sur une percée de Carlos Tevez. West Ham se maintient ! Un miracle en effet, l’équipe a tout donné dans la dernière ligne droite et grâce à l’apache argentin qui aura mis son cœur à l’ouvrage, les Hammers continueront à jouer en Premier League. Tevez partira à Manchester United quelques semaines après ce maintien, logique et mérité pour lui : il est trop fort pour nous, personne ne lui en veut, c’est notre héros à jamais, ses retours avec le maillot de United, puis de City, seront toujours placés sous le signe des ovations et des chants pour le remercier encore. En Angleterre on n’oublie jamais les héros à partir du moment où ils ne se barrent pas chez le rival. West Ham a encore joué avec mon cœur, j’y croyais plus et celui-ci m’a finalement donné de l’espoir.

Les années suivantes, West Ham fait des saisons sans envergure en alternant le meilleur et surtout le pire. La saison 2010/2011 est celle de tous les cauchemars, West Ham descendant au terme d’une saison indigente : aucun fond de jeu, un effectif très moyen, seuls Marc Noble et surtout Scott Parker montrent leur talent mais c’est insuffisant pour espérer un autre miracle. Avram Grant, entraîneur cette année-là, est aujourd’hui encore considéré comme l’un des pires entraîneurs de l’histoire au club. En plus d’une personnalité froide et antipathique, ce dernier avait été à Chelsea par le passé… Ça partait mal ! Et pour finir, alors que West Ham était officiellement relégué, un petit avion passa au-dessus d’Upton Park, stade où évoluaient les Hammers à l’époque. Ce petit avion avait une banderole où était affiché qu’Avram Grant était une légende… D’où cela pouvait-il venir ? Eh bien, tout simplement des supporteurs de Milwall qui se félicitaient de nous voir descendre. Oui, les rivalités en Angleterre sont tenaces et tous les moyens sont bons pour se moquer. Bref, sachez juste que West Ham et Milwall s’apprécient autant que Palestiniens et Israéliens comme disait Pete Dunham dans le film Green street Hooligans. Parlez d’Avram Grant à un supporteur de West Ham, même en 2022, et vous verrez ce que c’est que la rancœur.

La saison suivante, en Championship, West Ham et Milwall se rencontrèrent à deux reprises : victoire 2-1 chez nous, nul chez eux. Milwall à l’époque avait dans ses rangs un certain Harry Kane – oui, oui, celui de Tottenham. Encore fraîchement sorti du centre de formation des Spurs, il faisait alors son développement en prêt.

West Ham, coaché par Sam Allardyce, aka Big Sam (notamment connu pour son passage à Bolton), retrouve l’élite suite à une finale de barrage contre Blackpool. Vaz Te marque le but de la victoire dans les dernières minutes dans un Wembley en feu. Ce n’était certes pas un titre mais c’était tout comme en ce beau samedi après-midi de ce mois de mai 2012. West Ham a encore joué avec mon cœur en l’espace d’un an.

Depuis cette remontée, West Ham a encore déçu : saisons sans relief ou à jouer le maintien, seule la saison 2015/2016 avec un Dimitri Payet en feu a donné du baume au cœur. L’espoir n’a cependant pas duré longtemps et les saisons suivantes furent sûrement les plus chaotiques que j’ai pu voir, des recrues à la pelle, des résultats catastrophiques en coupe et en championnat… Rien de chez rien à part de la souffrance et des déceptions. Mais depuis deux ans maintenant, le club a retrouvé une stabilité en terminant sixième puis septième du championnat, et atteignant les demi-finales de la Ligue Europa. Le London Stadium est devenu un terrain où gagner des points (saisons 2020/2021 et 2021/2022 ) pour l’adversaire n’est plus une formalité, un effectif stable et généreux et vraiment concerné par le club.

Après plus de 15 ans, je n’ai toujours pas vu un titre, rien de chez rien. West Ham, pour ceux qui le savent pas, a quand même une coupe d’Europe à son palmarès (Coupe des coupes 1965) . Et surtout une formation historique à rendre jaloux certains. Vous voulez des noms ? Frank Lampard, Paul Ince, Mickael Carrick, Rio Ferdinand, Joe Cole. Vous connaissez leurs points communs ? Ils sont sortis du centre de formation de West Ham, il en est de même pour Noble, Declan Rice et plus récemment Johnson, Ashby … Et pour aller dans l’époque vintage je pourrais cité Bobby Moore , Geoffrey Hurst, Martin Peters. Le premier cité fut le capitaine de l’équipe anglaise victorieuse en Coupe du monde en 1966, Hurst et Peters furent les deux seuls buteurs de cette finale mythique et controversée contre l’Allemagne. Depuis, de nombreux supporteurs des Hammers pensent que c’est West Ham qui a gagné la Coupe du monde 1966 et pas l’Angleterre, d’ailleurs Harry Redknapp, joueur des Hammers de 1965 à 1972 et entraineur de ce même club de 1994 à 2001, répondait qu’un club ne pouvait pas être considéré comme petit lorsque vous alignez trois joueurs dans une finale de Coupe du monde .

West Ham connaît le football mais est condamné à voir ses meilleurs éléments quitter le nid un jour et notamment depuis la fin des années 1990. C’est la vie, mais ça rend fier tout de même.

Je sais pas si de mon vivant West Ham gagnera quelque chose. Je me fais à l’idée que ce ne sera peut-être jamais, mais ce club a gagné quelque chose, mon Cœur et mon Âme. Je sais que je serai encore trahi, pas grave je l’ai choisi.

Ce club m’a choisi, c’est un mariage à vie, on ne sera jamais les plus beaux, on ne sera jamais sexy, mais on aura le charme de ces histoires simples et sincères qui nous font voyager dans cette vie parsemée de montagnes russes et où l’on veut nous faire croire que l’amour est faite de rose. Non ! Moi, mon amour est rouge bordeaux et bleu, oui je suis complètement marteau ou plutôt Hammers si je me mets en VO. West Ham, je suis condamné à vivre avec, pour le meilleur et surtout pour le pire je pense, on coulera ensemble peut-être mais ce ne sera pas dans les larmes, ce sera avec le sourire. Et peu importe ce qui m’attend après, je me dirais que ma vie était une bulle que j’ai craché et qui a volé jusqu’au ciel pour s’éclater. Au final, c’est le principe des rêves, c’est au meilleur moment que l’on se réveille mais moi je veux continuer à dormir. West Ham est un rêve pour les romantiques, une hérésie pour les pragmatiques, West Ham est la plus belle pour les aveugles, ça tombe très bien car pour rêver il faut fermer les yeux, j’ai choisi d’être aveugle.

Bizarre qu’est ce qui rend aveugle, déjà ?

Bubbles of Hammers pour Pinte de Foot

24 réflexions sur « Pas de raison, seulement l’Amour »

  1. Beaucoup de lecture à rattraper, je commence pour ce soir par celle-ci, un auteur que je n’ai pas encore lu 🙂

    Et j’ai bien fait, beaucoup aimé car sensible à ce genre de relation (de surcroît par les temps qui courent). J’ai même souri en lisant ceci « Après plus de 15 ans, je n’ai toujours pas vu un titre, rien de chez rien. », effet comique que je ne peux croire involontaire, ce genre de clubs a le chic pour stimuler l’humour.

    West Ham, temple footballistique de la gouaille populo londonienne, est quand même une sacrée anomalie……….. Si usine à talents historique il y eut aux Îles : c’est eux, « the factory », de formidables joueurs du vivier en pagaille, çà et là des noyaux rétrospectivement assez dingues (première moitié des 70’s, ils eurent largement l’envergure d’un champion d’Angleterre), et cependant ça coince toujours ou presque, incroyable..

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  2. Merci Bubbles! Mascherano et surtout Tevez à West Ham, c’était quand meme assez hallucinant.
    On peut ajouter Defoe à leur travail de formation. Lampard senior fit une belle carrière au club également.
    Il faut que je retrouve un doc tres drôle en espagnol sur les années Redknapp en coach. Il s’appelle la leyenda de Titishev.
    Ayé, je l’ai trouvé.
    https://m.facebook.com/Cabrodeportes/videos/la-leyenda-de-tittyshev/755382394660421/
    En gros, West Ham joue un match de préparation contre une équipe modeste et des fans Hammers râlent contre le niveau de l’équipe. Et Redknapp les prend au mot..

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    1. Haha oui je me souviens de cet épisode, il est quand même pas banal le Big Sam…
      Sinon pour en revenir à l’article, moi j’ai adoré. C’est pas toujours ultra structuré mais c’est parce que c’est de l’amour, du vrai… et par ces temps de supporterisme gangrené par l’argent et vicié par les réseaux sociaux et toutes ces polémiques insensées, ça fait du bien… un bien fou !
      Ça rend léger comme une bulle 😁

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  3. Merci encore à vous de m’avoir permis d’écrire cet article, j’ai pris un grand plaisir à le faire. ; )

    Merci également pour vos retours et content si vous avez appréciez la lecture même si comme dit plus haut la structure n’est pas encore au point ^^.

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    1. Merci à toi et grande sympathie pour les supporters des clubs qui ne gagnent jamais rien ou presque 😉
      Pour moi, West Ham, c’est Upton Park, ses tribunes dominées par des immeubles sans charme, une caméra s’attardant sur un sikh enturbanné dans le public et du foot direct, sans chichis. Et puis ce sont des couleurs, le grenat et le bleu ciel, typiques du mauvais goût anglais et terriblement démodées, un peu comme les associations de couleur de Wimbledon.

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      1. Ben l’un va avec l’autre , du moins pour moi , mais on va dire que jeune ado j’avais déjà une attirance pour ce club, les couleurs, le stade, les joueurs mais en dehors de l’équipe du dimanche ou je voyais des extraits j’avais pas l’occasion de les voir, ensuite ils sont descendu en 2003 et là je cherchais les résultats ,ensuite quand ils sont remontés en 2005 j’ai commencé vraiment à les voir le maximum que je pouvais, et je pense que c’est justement la finale contre Liverpool qui a été le déclic, sachant qu’en plus j’ai eu de la chance de rencontrer durant mes études un mec qui était supporter de West Ham et qui lui pour le coup venait de Londres, du coup il m’a appris pleins de choses sur l’histoire du club, les chants etc…

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    2. Belle bulle de simplicité dans cet océan de foot à stats et à trophées. Me concernant, tu prêche un convaincu avec cette petite ode à la proximité. Bien joué Bubbles, un bon moment offert merci.

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      1. Merci beaucoup, pour le coup c’est sûr que West Ham et les trophées c’est pas le grand amour ! haha

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  4. En tant que fan du Werder Brême depuis les années 80, je comprends tout à fait ton propos. Treize longues années qu’on attend quoi que ce soit et dix-huit déjà depuis le dernier titre de champion…

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  5. Félicitations Bubbles! Deuxième titre européen! La première mi-temps était pas folichonne mais par la suite, c’était un peu mieux. Et pour les italiens, va falloir éviter le zéro pointé mais ça va pas etre évident face à City…

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