La route du Stadium…

Je rentre du match Toulouse-Benfica un peu déçu. Un brin allumé aussi, faut l’avouer… Le géant lisboète n’a pas montré grand chose, y avait la place, comme on dit. J’ignore quand je revivrai à nouveau une soirée européenne mais les Pitchouns dans les virages se sont montrés à la hauteur. Elle est belle l’énergie qui se dégage de ce club depuis trois ans.

Quand j’étais gosse, on chantait la Pitchouli, on insultait les Winners et on se moquait de Robin Huc. C’est bête mais c’était comme ça. Un exutoire. Une passion qui nous faisait régulièrement rater le match dès qu’un autre gamin sortait de son chapeau un ballon. Le virage devenait alors notre arène, à 20 contre 30. Les vieux nous engueulaient pour la forme quand la balle dérivait inévitablement dans la surface de Robin mais guère plus. On se créait alors une fausse identité mais d’authentiques liens. Ceux de supporter un club médiocre mais de vibrer malgré tout. D’y croire à chaque début de rencontre et de rentrer penaud à chaque déconvenue…

Mon père bossait de nuit, c’était le paternel d’un ami qui nous trimbalait jusqu’au stade la plupart du temps. Un Silicien. Je le vois hurler l’heure du départ en bas de notre immeuble. Ses fils, mon frère et moi, et le chemin à parcourir pour rejoindre le Stadium. Il avait une splendide moustache cet homme et des faux airs de Peppone de Don Camillo. Sa patience était sans limite, il en fallait pour absorber notre connerie.

J’avais raté de peu Naples et Maradona, le Spartak et Dassaev. Ne pas descendre était synonyme de saison réussie. Beto Marcico était le héros. Pas uniquement pour son accent charmeur ni son talent balle aux pieds mais parce qu’il était splendidement imparfait. A l’image de la ville. Grassouillet mais insaisissable. Jouisseur et frondeur.

Nous avions évidemment le Stade Toulousain. L’étendard. Notre cœur est et restera anarchiquement rouge et noir. Mais le Tef est ce frère boiteux qui nous fait honte parfois mais que ne nous laisserions, pour tout l’or du monde, seul au bord de la route. Je ne me disais jamais fan de ce club. Je n’ai d’ailleurs jamais eu le maillot. Tuniques souvent moches comme un pou. Mais quel intérêt? On ne choisit ni la couleur de sa peau ni la qualité acoustique de sa tribune.

C’est bien plus tard que j’ai compris que ce club m’importait. Malgré mes désirs d’ailleurs, un des seuls dont je regardais le classement était bien notre Téfécé violacé. Pourtant revenu depuis un bail des balivernes d’équité sportive, des valeurs de camaraderie soi-disant inhérentes au sport, je ne peux m’empêcher de me laisser bercer, berner par le souffle d’une tribune. Mes mots ne m’appartiennent plus. Soudain, je me laisse aller… Des adultes m’ont fait vivre ici. Moi qui suis né dans un autre pays. Je n’ai pas eu mon mot à dire. Mais le chemin, de la rue Paul Bourget aux escaliers menant au Stadium, est le mien. Est celui qu’hantera une part de mon ombre…

11 réflexions sur « La route du Stadium… »

  1. Jolie madeleine de Proust pour l’étudiant à Toulouse que j’ai été au milieu des années 80 ! (Pas moyen d’avoir une place pour le match contre Naples, c’était démentiel.) Tu es arrivé trop tard ou trop tôt pour les beaux maillots – mais bon, c’est le lot de tous les clubs des années 90, PSG excepté avec (enfin !!!) Le retour au bleu et rouge historique. Celui de la montée en 1982, violet à manches blanches, n’était pas mal. L’extérieur, vu sur la photo de garde, aussi. Ceux de 2022-23, aussi bien le domicile rayé blanc et violet que l’extérieur blanc à fins accents violets, sont carrément superbes.

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      1. Artur Jorge a eu le droit à une belle acclamation avant le match. Les fans de Benfica étaient nombreux. On a discuté un peu avec des mecs venant de Paris et Montpellier.

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  2. C’est beau et bien écrit, bravo. Supporter une équipe qui ne gagne jamais rien, c’est pas facile tous les jours, je sais de quoi je parle ! On a même pas une épopée en coupe à se mettre sous la dent…j’en ai passé des matchs à me les geler pour rentrer chez moi avec une certaine résignation…

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    1. Moi, ce que je n’ai jamais compris : c’est les mecs qui supportent des équipes surpuissantes, aux palmarès longs comme..comme tout ce que vous voudrez……….mais qui sont juste capables de pathétiques concours de zizis par procuration..

      Ceux-là : il n’y a rien à en attendre, en comprendre (ça vaut mieux..) ni à en espérer..

      Et c’est évidemment en considération des besoins pathologiques de ces supporters-là, que le discours-marchand dominant a été formaté.. ==> Une plaie.

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    2. J’ai du attendre 43 balais pour voir mon équipe aller en finale. Ne perds pas espoir! Hehe
      Avant de vivre, nous vivions à Barcelone. J’ai commencé l’école là-bas. Économiquement, nous avons certainement gagné quelque chose en venant en France, mais sportivement ce fut une mauvaise décision!
      Je serais certainement devenu un fan du Barça si nous étions restés même si Verano veut croire que j’aurais choisi l’Espanyol…

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    3. Il y a un beau papier à faire sur les « deuxièmes clubs » dans les villes où il n’y en a que deux : Torino, 1860 Munich, Espanyol, peut-être Paris FC… À Londres, Buenos Aires, Istanbul, ou Montevideo, avec plus d’équipes, c’est une autre histoire. On verra ça en 2025.

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