Quand Amancio se frottait au Granada des années 1970

Amancio Amaro est décédé. Il était le symbole du Real Madrid des yéyés, immensément aimé par les supporters des Merengues pour ses talents de buteur et son tempérament de feu.

Amancio ! Eduqué par l’ancienne génération et notamment Di Stéfano aux côtés duquel il perd une finale de Coupe d’Europe des clubs champions 1964, il développe un amour immodéré pour le Real qui fait de lui un personnage clivant. Côté face, c’est un remarquable ailier-buteur venu de La Coruña dont l’heure de gloire a lieu lors de la finale de la Coupe d’Europe des clubs champions 1966 avec le Real des yéyés (Grosso, Pirri, Sanchis, Velázquez, De Felipe)[1]. Côté pile, on découvre un personnage atrabilaire, sanguin, provocateur et certaines de ses phrases feraient scandale de nos jours.

Jour de match au Santiago-Bernabéu, but d’Amancio.

En fin de carrière, El Brujo Amancio (Le Sorcier) est un acteur majeur des Real – Granada, des moments de bravoure. Dans les années 1970, le club andalou fait appel à quelques-uns des joueurs les plus durs du moment comme l’Argentin Ramón Aguirre Suárez, un des « criminels » d’Estudiantes ayant connu la prison après la finale de Copa Intercontinental contre le Milan[2], Julio Montero Castillo, le père du juventino Paolo Montero, et Pedro Fernández, un Paraguayen parmi tant d’autres. Acteurs féroces de l’âge d’or de Granada, tous y laissent un grand souvenir mais Fernández est sans doute le plus aimé, fidèle à Granada même lorsque le club est relégué en Segunda División.

Fernández, c’est ce tout jeune joueur de Cerro Porteño recruté par le Barça, un club trop grand pour lui. Il ne parvient pas à s’y imposer, incapable de maîtriser sa force et son tempérament, un de ces défenseurs dont on dit qu’ils concèdent onze coups francs sur dix interventions. A Grenade, pas de fausses pudeurs, Fernández est apprécié pour ses défauts, son engagement fanatique, peu importent les risques de blessures des adversaires comme cela arrive avec Amancio.

Moins connue que l’agression elle-même, le geste de Fernández trouve son origine quelques années plus tôt, précisément le 12 décembre 1971 au Santiago-Bernabéu. Après une série de duels aériens très engagés, Amancio frappe Fernández. Une échauffourée éclate impliquant de nombreux joueurs et l’arbitre expulse les deux principaux protagonistes. Mais avant cela, Fernández est victime d’un lynchage, plusieurs Madrilènes dont Amancio et Pirri le corrigent sévèrement. En sang, nez et dents cassés, il prévient Amancio : « Ne viens jamais à Grenade ou je te tue… Ne viens jamais », avant d’être évacué sur une civière avec un masque à oxygène.

Pedro Fernández au sol, agressé par les Madrilènes (on reconnait Pirri). Amancio est en retrait, maîtrisé par un joueur de Granada qui lui enserre les épaules.

Ce caractère querelleur, Amancio le démontre à de nombreuses reprises mais il semble particulièrement aimer se frotter aux Paraguayens. En janvier 1974, lors d’un match à Zaragoza, Amancio provoque le Guarani Nino Arrúa après une faute de Pirri : « allez l’Indien, crève-la-faim, lève-toi ». Insupportable pour Felipe Ocampos, équipier et compatriote d’Arrúa. Il frappe Amancio et le met au tapis.

1974 est également l’année que choisit Amancio pour faire le déplacement à Granada après plusieurs saisons d’évitement. Il imagine probablement que les rancœurs du passé sont oubliées. Il a tort car il sort soutenu par ses équipiers, victime d’une rupture du quadriceps après un high-kick de Fernández qui ne lui vaut même pas un avertissement (il est finalement sanctionné de 15 matches de suspension après que l’opinion publique se soit émue à la vue des images). Il a alors 34 ans et s’il parvient à rejouer, il ne retrouve jamais sa vélocité, devant renoncer à son poste d’ailier. Toute sa vie, Amancio considère que le châtiment subi est impardonnable, qualifiant Aguirre Suárez et Fernández de sucios (approximativement, des porcs) et de hijos de puta chaque fois qu’un journaliste lui parle de cette très ancienne histoire.

La vengeance de Fernández.

[1] Victoire 2-1 du Real face au Partizan, Amancio étant l’auteur du 1er but du Real.

[2] Avec Poletti et Manera, il est incarcéré quelques jours en raison des agressions dont les Milanais sont victimes lors du match retour de la finale.

34 réflexions sur « Quand Amancio se frottait au Granada des années 1970 »

  1. Elle fait mal la video. Digne d’un Roy Keane sur le pere Haaland.

    Amancio, immense joueur du Real qui, en compagnie de Pirri, fit la jonction avec la génération Di Stefano. Pouvait il imaginer en gagnant le Partizan de Galic en 66 qu’il faudrait attendre 32 ans pour revivre le même triomphe.
    En sélection idem, la joie du triomphe à l’Euro en debut de carrière pour vivre les absences de grandes compétitions par la suite.

    Et pour finir, c’est le commencement de la mystique du 7 au Real. Kopa l’avait porté avec brio mais uniquement 3 ans. Apres Amancio, viendront les Juanito, le Buitre, Raul et Cristiano.

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  2. Amancio avait également entrainé le Real à la suite de Di Stéfano. Cela ne s’était pas très bien passé et il avait été démis avant la fin de sa 1ère saison sur le banc des Merengues. Des résultats médiocres, un caractère difficile et des joueurs qui l’avaient lâché (Lozano et Valdano notamment). Mais avant cela, il avait fait grandir la Quinta del Buitre avec la Castilla, vivier au sein duquel avait pioché Di Stéfano pour lancer El Buitre, Sanchis ou Martín Vázquez. L’année suivante, c’est Amancio qui avait lancé Míchel, dont on se moque aujourd’hui pour ses faiblesses en tant que technicien, comme si cela pouvait effacer le magnifique milieu de terrain qu’il fut.

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    1. Michel était un tres beau joueur.
      Une chouette compil également
      https://youtu.be/GfXnmUHvk5c

      Me souviens d’une interview au début des années 90 où il compare le Real à un coureur de fond et le Milan Ac de Van Basten à un sprinteur. Expliquant que le modèle de la Champions actuelle était plus adapté au Real que l’ancienne formule de la c1. Un visionnaire!

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      1. Et encore n’y a-t-il pas son « but » magistral face au Brésil, en 86 : https://www.youtube.com/watch?v=GFuKGt5pLtA

        Ce n’était pas mon préféré dans la Quinta, je trouvais Butragueno et Martin Vazquez au-dessus, tant dans le jeu que dans le style. Mais il y eut pourtant bien l’une ou l’autre saisons où ce fut sans doute lui qui fut au-dessus de ses équipiers, c’est bien possible.

        Et on ne m’enlèvera jamais de la tête que la grande équipe européenne de la seconde moitié des 80’s : ben c’était ce Real pardi.

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      2. En 88, ils méritaient le titre. Quand tu sors Naples, le tenant du titre, Porto, le Bayern qui t’avait mis une raclée l’année précédente et que tu sors uniquement au but à l’extérieur face au PSV, tu peux avoir les boules.

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      3. Et il y a à redire de leur élimination en 89 face au Milan.

        Durant ces années-là, c’est la seule édition où ils ne font pas vainqueur de C3 ou demi-finaliste de C1, de surcroît en développant un jeu hyper-sexy.. Au regard du jeu produit, qu’ils n’aient remporté au moins une C1 est une anomalie.

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      4. Alex
        Tu dois plutôt parler de l’élimination face au Milan en 90. Parce qu’en 89, ils prennent à gros 5 à 0 dans les dents. Me souviens très bien de cette déculottée.

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      5. C’est pas à l’automne 89? Edition 89-90? Je parle de mémoire, un double-affrontement avec l’une ou l’autre décisions arbitrales..à la Berlusconi, on va dire.

        La défaite 5-0, la saison d’avant je crois : rien à redire!

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      6. Voilà, c’est à ce match-là que je pensais : https://www.youtube.com/watch?v=fmSiW7NmgDw

        Vers 01:25 : Van Basten tombe (pour ne pas dire « plonge »??) depuis l’extérieur du grand rectangle, pas de péno selon la règle de l’époque.

        Puis à compter de 04:25 : un premier tampon mais Schmidthuber ne dit rien.. Un second tampon : toujours rien……. Au troisième tampon, un Merengue parvient même à faire assist, but pour le Real!………. mais ce triste sire d’arbitre ouest-allemand se décide soudain à ne plus laisser l’avantage, incroyable..

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      7. C’est l’époque Mendoza à la tête du Real, c’était pas Tonton Pérez eh eh. Il s’est fait baiser partout, en Europe mais aussi en Espagne avec ce coquin de Villar à la tête de la fédé.

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      8. Au passage, la verticalité du jeu merengue, sur l’action de ce but ubuesquement annulé, toute en déviations en un temps et en dépit des charges subies, témoigne d’un talent individuel comme collectif assez extraordinaire ; cette équipe avait une classe folle.

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      9. Oui, ça doit faire bizarre d’entendre ça aujourd’hui, mais le Real gardait énormément à apprendre rayon magouilles continentales à l’époque.

        De mémoire, le papa du site Solavanco, qui connaît bien mieux le Real que moi, était peu amène à l’endroit de Mendoza. Souvenir aussi d’une anecdote qu’il relaya, où Saporta l’avait (publiquement?) insulté, en filigrane j’avais cru comprendre que Saporta voyait en lui le fossoyeur du madridisme instauré par Bernabeu..??

        Je ne lui donnerais pas un blanc-seing, connais trop mal le lascar pour ça..mais le fait est aussi que Saporta avait déjà traité de « mafieux », et congédié sans ménagement, le directeur d’Anderlecht Michel Verschueren, après que celui-ci lui eut proposé une combine invraisemblable dans le cadre du transfert de Lozano.

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      10. Alex
        Oui, tu étais plus précis que moi. C’était bien la saison 89-90 mais en automne. Le Real bat d’ailleurs un record de buts en Liga cette saison là. Avec les 38 buts de Sanchez.

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      11. Et il y a aussi ceci, que je retrouve parmi les excellentes pages du secoueur de bananier Yves-Solavanco :

        « *Alors qu’il souffrait, Santiago Bernabéu aurait qualifié Mendoza de fils de p…, obligeant certains cadres du conseil d’administration à jurer sur son lit de mort pour empêcher ce dernier et d’autres personnes d’accéder un jour à la présidence du club. Ses propos ont été rendus publics par le journaliste José Maria Garcia. Ce dernier a été poursuivi en justice par Mendoza pour diffamation. (2) Ramon Mendoza a présidé le Real Madrid de 1985 à 1995. »

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      12. Je ne sais pas ce que va révéler l’actuelle affaire Negreiro mais ça correspond à la période durant laquelle Villar est à la tête de la fédération et une période trouble de l’arbitrage espagnol (qui n’a jamais été net, hein !). García de Loza exerce dans cette période-là, années 80 et début 90 avec son chef d’œuvre à Tenerife, et est désigné contre toute logique comme arbitre international par la fédé (ni l’UEFA ni la FIFA ne feront appel à lui pour une rencontre majeure tant il est suspect). Les débuts de la présidence de Villar, 1988 je crois, sont clairement hostiles au Real. Et on sait comment Villar a fini…

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    1. Malheureusement du tout un cas isolé.. Je regrette souvent la féminisation du football, ce n’est plus vraiment le même sport. Mais certaine latitude était impardonnable à l’époque, que de beaux footballeurs brisés voire contrariés, souvent impunément.. C’est l’un des rares progrès que je trouve à saluer, même si je pense qu’on est allé bien trop loin dans l’aseptisation du jeu.

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      1. Pour citer quelques exemples : Aguirre Suárez avec Granada brise la carrière de Forment, jeune attaquant de Valencia. De Felipe, Real des yéyés champion d’Europe, en fait de même avec Bustillo, ex Zaragoza tout juste arrivé au Barça. Chaque équipe de Liga avait au moins un boucher dans ses rangs.

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  3. Me suis demande qui était encore encore en vie de l’Espagne 64, championne d’Europe. Reste Iribar, Olivella du Barca, Fusté, Marcelino dont on a parlé dans le top sur Saragosse, et le plus vieux Suarez, 87 ans.
    Amancio, avant la phase finale, s’etait fait une spécialité de marquer face aux Irlandais. République et Ulster.

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  4. Sacrée performances du Real en hommage à Amancio. Mettre 5 buts à Liverpool, après ce début de match, bravo.
    Font de la peine les anglais. Milieu fantomatique. Nuñez qui met un joli but mais manque d’intelligence de jeu et d’impact.
    J’ai bien aimé la sérénité de Militao. Un grand résultat pour le Real evidemment mais l’adversaire était tellement à côté de ses pompes.

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    1. Hola Khidia

      Et Joe Gomez…..
      Le vrai problème du Liverpool de Klopp est de ne pas avoir un deuxième défenseur central de qualité à coté de Van Dijk parce que Matip ou Gomez c’est vraiment pas top et très irrégulier …à la limite ça marche mieux quand il fait descendre Fabinho mais je le préfère au milieu .
      L’année du titre de champion Gomez a sur performé en ne commettant que peu d’erreurs mais hier…
      Premier but de Vinicius : distance de marquage…; but de Militao c’est lui qui fait une faute débile a l’entrée de la surface ; premier but de Benzema il est en retard et il couvre puis il a aussi de la malchance en déviant .

      Sinon pour revenir sur le fait que dans les années 60 et 70 (je rajouterai début années 80) il y avait au moins un boucher dans chaque équipe , le Barça qui donne souvent des leçons de jeu possédait des Migueli des Zuviria(hispano/Argentin) ou des Alesanco qui n’étaient pas des poètes . Je crois avoir lu plusieurs fois dans vos échanges des évocations sur les matchs contre Dusseldorf ou le Standart de Liège qui vont dans ce sens…

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      1. Hincha
        Migueli est meme le perso principal de mon intro sur la Coupe UEFA 87!
        On peut ajouter Benito au Real dans les 70′ ou Arteche de l’Atletico dans les 80.

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  5. Dans la catégorie des commis-bouchers Pachin n’était pas mal non plus. C’est lui qui s’était fricoter avec Sivori (le genre de joueur à se laisser faire😊) lors du quart d’appui au Parc en 62. Don Alfredo avait dû s’interposer pour éviter la bagarre. Je pense qu’aujourd’hui il y aurait deux ou trois cartons rouges.

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  6. Khia,
    Je ne voudrais pas dire de bêtises, mais c’est difficile de se remémorer les matchs diffusés. Des fois on croit avoir vu un évènement et finalement non.
    Alors j’ai raté 1960, mais je sais que les Nice-Real furent diffusés (on peut effectivement les voir, mais je ne vous apprend rien). Certains ont dû en parler en classe. J’imagine qu’un moins une demie Real-Barça fut télévisée mais je n’en ai pas la preuve. finale tronquée car débutant à 19h30 puis interrompue par le JT de 20h. Les téléspectateurs loupèrent 3 buts de Puskás.
    61: je ne me souviens que des matchs de Reims et de la finale (tronquée). Mais je me souviens bien du ballon rebondissant sur les deux montants intérieurs (hélas pas de replay). A cette époque je regardais la télé dans une salle (déjà) de la caserne de la Muette à Drancy au milieu des simples gendarmes et des officiers. Je vous rassure, devant un match, tout le monde est égal et tout le monde sort les mêmes conneries. Car pour des cadres ou des officiers c’était un peu vulgaire d’avoir un poste à la maison.Je me souviens d’un lieutenant-colonel qui quoi qu’il pouvait dire il y avait son fayot de commandant qui répliquait systématiquement:  » vous avez raison mon colonel » d’une voix rocailleuse du sud-ouest.
    62: « L’épopée monégasque » ne m’a laissé aucun souvenir. Nous vîmes le match d’appui Real-Juve, Real-Standard peut-être et la seconde période de la finale nous privant du triplé du major. Quelle bande de nazes !
    63: Les matchs de Reims épicétout, je crois bien. Même pas de finale (jugée pas assez sexy ?).
    64: Me souviens que de la finale en intégrale, pas de Monaco.
    65: « L’épopée » grotesque des Verts, le quart retour Real-Benfica et la finale dans la piscine de San Siro. Première de Thierry Roland à moins que ce ne fut en 64. Avant c’était Jean Quitard, décédé en 62.
    bref pour des matchs à chaque tour, pas avant l’Ajax peut-être.

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    1. Fred
      Je me demandais pourquoi tu parlais d’épopée grotesque pour les Verts en 65… C’est donc l’élimination face à La Chaux-de-Fonds.

      Et merci pour les infos. T’as rien vu de Monaco quoi!

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      1. Bah se faire sortir sans contestation par La Chaux de fonds c’est pas glorieux. Non Monaco ne m’évoque rien.

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