Antoni Łyko, dernier match pour Auschwitz

Quand on évoque les légendes du Wisła Kraków, on peut citer facilement Henryk Reyman, à qui le Wisła rendit hommage en nommant son stade, Kazimierz Kmiecik, meilleur buteur de l’histoire du club. Jakub Błaszczykowski, qui a sauvé le club de la banqueroute en y injectant de l’argent et en jouant bénévolement, Antoni Szymanowski (champion olympique en 1972, vice-champion olympique en 1976 et troisième de la Coupe du monde 1974) ou encore Maciej « Magic » Żurawski, fer de lance lors des dernières joutes européennes du club. Mais l’Histoire oubliera sans doute, Antoni Łyko, international Polonais du Wisła Kraków et surnommé « l’Homme sans nerf ».

Un homme du Wisła

Antoni Łyko est né le 27 mai 1907 à Rakowiczanka, à côté de Cracovie. Capable de jouer aussi bien au milieu que devant, son agilité et sa technique attirent l’œil du club phare de la ville, le Wisła Kraków, qui le signe en 1930. Ses débuts avec les Biała Gwiazda sont compliqués (seulement six matchs joués en trois ans). Ce n’est qu’en 1933 que Łyko enchaîne les bonnes performances, avant de confirmer en 1934, devenant un titulaire indiscutable.

En 1937, il devient, pour la première fois, international polonais contre la Lettonie. Il est appelé une seconde fois par la suite, à nouveau contre la Lettonie. Le sélectionneur national, Joseph Kałuża, le retient pour la Coupe du monde en France en 1938 mais Łyko ne fera finalement pas parti du voyage. Une compétition qui verra la Pologne se faire éliminer en huitième de finale par le Brésil dans un match d’anthologie (6-5 après prolongation, quadruplé de Ernst Wilimowski).

Un résistant

Peu de temps après la Coupe de monde, le championnat polonais est à l’arrêt à la suite de l’invasion de la Pologne par l’Allemagne. Durant le conflit, Antoni Łyko travaille avec son frère dans une compagnie d’aqueduc mais rejoint surtout le Związek Walki Zbrojnej, la Résistance Clandestine Polonaise.

Au printemps 1941, il est arrêté avec d’autres membres de mouvement, dénoncé par la Gestapo. D’abord emprisonné à Montelupich, il est ensuite transféré au KL Auschwitz. Antoni Łyko était retenu comme otage et pouvait être fusillé à tout moment dans le cadre des représailles allemandes contre les activités clandestines. A Auschwitz, sous le matricule 11780, Łyko est ouvrier serrurier dans le camp de la mort. Le 2 juin 1941, il est sélectionné pour participer à un match de foot entre les prisonniers et les nazis.

Un survivant du camp, Czeslaw Sowula témoignera : « La plupart du temps, les Polonais avaient trop peur de gagner, car après le match, ils pourraient se faire frapper par les chefs. Avant le match, je lui ai demandé de faire deux buts aux Allemands. J’ai promis des cigarettes même. Lyko a rempli sa mission ».

Le lendemain, les Allemands organisent une exécution de 70 ou 80 prisonniers polonais. Łyko est parmi eux. Lors de l’exécution, Antoni Łyko s’est relevé plusieurs fois, refusant de mourir couché. Karl Fritzsch, officier SS, lui tire, à bout pourtant, deux balles dans la tête…

Deux, comme le nombre de buts inscrit lors ce match de la mort. Deux, comme le nombre de sélections avec les Biało-czerwoni. Deux, comme le nombre de fois où Łyko s’est relevé avant son exécution…

Bart pour Pinte de Foot !

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22 réflexions sur « Antoni Łyko, dernier match pour Auschwitz »

  1. Lors de mon unique passage en Pologne en 2012, il y avait une exposition géniale sur le foot à Varsovie. Autour du Stare Miasto
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Vieille_ville_de_Varsovie#/media/Fichier%3APlac_Zamkowy_w_Warszawie_widziany_z_wie%C5%BCy_ko%C5%9Bcio%C5%82a_%C5%9Bw._Anny.JPG

    Des panneaux tout autour de la place racontant l’histoire du Legia et du Polonia. Le pays venait juste d’accueillir l’Euro. Super intéressant.

    Et sinon, Cracovie, ville magnifique…

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    1. Tu vois la colonne au milieu de la place, sur le Zamek? Bon, maintenant il y a prescription..et de toute façon ça s’est bien terminé (cul bordé de nouilles)……….mais je parvins à y oublier mon sac..dans lequel étaient toutes les copies d’examen de 1ère et 2ème candidatures (Bac+1, +2 chez vous?) de la fac où j’enseignais, hum…….. (5 heures plus tard, quand je le réalisai : elles étaient toujours là!!!)

      J’adore la Pologne, que du bon à en dire (les gens et le pays s’entend).. M’a fallu du temps, j’avais été d’emblée acide dans une interview où l’on avait sollicité mes impressions, et puis………. Varsovie se mérite, faut du temps, c’est âpre..et ferait une ville de cinoche formidable, ambiance!! Sur le Rynek/Place du Marché, le musée consacré à l’histoire de la ville est un MUST!!! Quant à Cracovie, qu’en dire…………

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      1. Mon passage à Varsovie était court mais sympathique. On était allé voir un copain qui était installé sur place depuis plusieurs mois. Souvenirs d’une soirée d’errance, de rades en rades…
        Mais comme tu le decris, une ville qui se merite!

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      2. Bon prof..mais distrait (j’ai paumé aujourd’hui ma carte d’identité..).

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  2. Bon.. Qu’ajouter à ce destin? C’est le « problème » (il n’y en a aucun) avec ce genre de sujet, Bart.

    Peut-être juste dire qu’il y a encore des juifs en Pologne aujourd’hui – plus qu’assez, même, pour que j’en fisse deux de mes compagnes là-bas! Le fils d’un assez illustre poète polonais de confession juive y fut un ami aussi, ainsi que la dernière personne à avoir interviewé Wladyslaw Szpilman (c’est « le pianiste » de Polanski), bref : par le plus grand des hasards (ou parce qu’ils sont plus nombreux qu’on ne croirait?), j’ai passé beaucoup de temps avec des représentants de cette communauté vers l’an 2000………et tous avaient en commun de ne se sentir que polonais, exclusivement polonais : en dépit des vicissitudes connues avant, pendant et après 39-45, il n’y avait aucune ambigüité possible dans leur identitarisme, la judéité était totalement secondaire, et la Pologne absolument première – pour ne pas dire exclusive.

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  3. (Il y a une coquille, non? « Dénoncé par la Gestapo »?
    Sans que ça n’enlève rien à la qualité du papier, hein!
    Ça me fait penser à Anton Raab – j’oserais, un personnage modianesque- quoiqu’il n’ait pas eu un destin aussi tragique…)

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