Boli, le guerrier légendaire

Plus les années passent et plus les supporters marseillais de 40 ans ou plus regardent en arrière. Et à la manière d’un Proust avec ses madeleines certaines images réactivent en nous ces sensations qui nous ont amené à aimer ce club, pour citer l’auteur « le passé empiète sur le présent » et à la vue de ce dernier pour le club phocéen cela ne peut qu’être une bonne chose. Les meilleures madeleines nous ramènent donc 31 ans en arrière lors de cet incroyable mois de Mai 1993.

Moteur !

Il y a 31 ans et trois jours Boli allait enfin briser les 37 ans de mutisme en finale de coupe d’Europe, après Hidalgo un autre français marquait lors de l’ultime confrontation européenne de la saison. Marseille est en liesse, l’euphorie transformant la ville en stade géant où la fête paraissait sans fin. Trois jours après avoir aboli la série de défaite, Basile et ses troupes étaient confrontés à un autre défi. Le nouvel ennemi parisien se présentait au Vélodrome en espérant retarder le titre des Marseillais. En effet avec quatre points d’avance à deux journées de la fin, une victoire serait synonyme de titre. Trois jours après la folie de Munich, une nouvelle affiche de prestige face au rival et dauphin allait éblouir les amoureux du club marseillais. La symbolique était grande et le scénario spectaculaire de ce match sera digne d’un film de Bollywood.

Action !

Mais revenons au match entre un PSG demi-finaliste de la C3 au terme d’un parcours remarquable et l’OM champion d’Europe. Comme souvent entre les deux le match est âpre, dès la huitième seconde Eydelie donne le la d’un tacle viril. Paris joue haut et domine des Marseillais encore la tête au titre en C1, et logiquement les coéquipiers de Ginola finissent par ouvrir le score. Weah lancé en profondeur trouve le poteau avant que Guérin ne devance la sortie de Barthez et pousse la balle aux fonds des filets. Cela ne refroidit que légèrement le stade qui continue de s’enflammer sur chaque contact engagé et finalement huit minutes plus tard sur un long ballon aérien, Sauzée prend de la tête le meilleur sur ces deux vis-à-vis et trouve dans la surface Rudi Voller. Le frisé allemand ne se fait pas prier et égalise. La température du stade et des joueurs monte d’un cran alors que l’on ne joue que depuis seize minutes. Di Méco est au four et au moulin, s’embrouillant notamment (sans surprise) avec Ginola.  L’engagement est total mais le match reste agréable et riche en occasion.

Di Méco et Ginola, un classique des bromance viriles des années 90

Depuis le début du match le passeur décisif de la finale Abedi Pelé régale par ses dribbles voire jongles et il était inévitable qu’il finisse par s’illustrer dans ce qui sera l’action du match et un des plus beaux buts de l’histoire de la D1. Tout commence à la 36e minute par une passe de Bravo intercepté par Di Méco, le ballon s’élève dans le camp marseillais, Boli jaillit et envoie un coup de tête puissant sur Pelé à 40 mètres du but qui amorti de la poitrine et contrôle du genou, la balle tombe sur Durand qui d’un diabolique double sombrero trouve Boli au cœur du terrain. Le défenseur lance sur le côté gauche Pelé qui centre au niveau de la ligne des 16 mètres. Et comme un bolide lancé, un Basile toujours en lévitation survole Ricardo et met un coup de boule incroyable en pleine lucarne. Trois jours après, le duo de Munich marque à nouveau un but légendaire. Le buteur court dans un état de transe rappelant son but face à Milan, le Vélodrome quant à lui explose tel un Stromboli déchaîné.

Coup de Bouli!

Plus rien n’arrêtera l’OM, pas même le poteau de Weah, Deschamps tentant même une reprise de volée captée par Lama. L’ambiance dans le stade est assourdissante et les tacles spectaculaires continuent, Ricardo finira même exclu, les deux équipes continuent de se rendre coup pour coup. Finalement Boksic clôturera la marque d’un très beau but, contrôle en pleine course et demi-volée aux 16 mètres. Et même si ce match verra d’autres évènements qui rappellent l’actualité, comme ces tirs de fumigènes des supporters parisiens vers les tribunes marseillaises qui a failli finir en catastrophe, seul ce but passera à la postérité.

A ce moment là qui pensait que l’OM vivrait un futur aussi morose!

Épilogue

Cette soirée de folie sera le chant du cygne de l’OM de Bernard Tapie, qui depuis une semaine était englué dans l’affaire OM-VA qui signera la fin de cette parenthèse dorée phocéenne. Plus de 30 ans après, ces soirées ne paraissent qu’un lointain souvenir auxquels certains nostalgiques s’accrochent. Mais une chose est sûre, ce but et ce match font partie du panthéon de la première division française et ce but de Boli vit dans le cœur de tous les supporters marseillais.

Un résumé du match

Coupez!

10 réflexions sur « Boli, le guerrier légendaire »

  1. Je sais que Mozer n’est plus là en 93, mais leur association m’a tellement marqué.. Et donc : à temps T, y avait-il mieux que cette paire-là?? Ce binôme était parfait.

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  2. Ah, merci Rui pour ce petit plaisir marseillais. Un but et une action dont on se souvient toute une vie, contre le PSG pour ne rien gâcher. Ils sont peu nombreux, ces buts extraordinaires qui marquent les esprits. Pour ma part, en France, j’ai en tête le but de José Touré en finale de CdF contre le PSG, celui de Patrice Loko avec le FCN (contre le PSG) et celui de Gourcuff avec Bordeaux (curieusement, c’était contre le PSG ;-))

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  3. Épilogue bis. Après ce fameux match face à Paris, il restait une rencontre de championnat, à Toulouse. Barthez était sorti en premier du vestiaire, portant la Coupe des Clubs Champions, sous les applaudissements d’un Stadium qu’il avait quitté un an auparavant. Et le TEF avait gagné 3-1, dont un doublé de Bancarel ! Et devenait ainsi, selon les règles de la boxe, le nouveau champion d’Europe ! Bravo le TEF !

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  4. Un but extraordinaire. Petites infos supplémentaires sur le passeur et buteur.

    Au contraire d’un bon nombre de cadres de l’OM, Abedi Pelé était parti de Marseille pour Lyon (qui n’était pas terrible à l’époque) à la fin de cette saison 1992-1993. C’est à cause d’une déclaration qu’il avait fait en disant qu’il était indispensable à l’OM et qu’il devait donc y rester. Cela n’avait pas plu à Tapie qui avait dit que c’est lui qui décidait qui restait ou venait à l’OM. C’est donc Tapie qui a poussé Pelé à quitter l’OM.

    – Basile Boli a commencé à jouer en équipe première de l’AJA à 16 ans en 1983. Mais Guy Roux et l’organisation d’Auxerre (dont le très important Rolland) voulaient gagner toutes les compétitions. C’est pour cela que des internationaux jouaient en troisième division avec Auxerre quand ils revenaient de Blessure où étaient en méforme. Basile Boli a donc joué la finale de coupe de France juniors 1986 au stade Gerland en lever de rideau de la finale C2 Dynamo Kiev – Atletico Madrid (match où l’équipe de Belanov, Rats et Blokhine a fait un récital collectif cher à leur maître, Lobanovski). Auxerre a gagné cette Gambardella 1986 aux penalties avec Charbonnier dans les buts. C’était contre le Nantes de Deschamps et Desailly. Il y avait donc ce jour-là trois futurs vainqueurs de la C1 1993 avec l’OM et 4 champions ou futurs champions du monde (Charbonnier, Deschamps, Desailly et le gardien de l’Atletico, Fillol).

    Vous avez mérité la question du jour : quel joueur d’origine vietnamienne (par sa grand-mère de Saigon) a gagné la coupe de France 1981 avec Bastia avant de jouer à Auxerre avec Basile Boli ?

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  5. L’étrange trajectoire de la carrière de Boli… À 27 ans, il semblait déjà être en bout de course, totalement cramé. C’est assez incroyable cette brutale chute de niveau. Des explications à donner ?

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    1. @Pig Benis : je n’ai pas d’explication rationnelle, je pense que c’est multi-factoriel :
      – Déjà, c’est un joueur qui a commencé sa carrière très jeune. Il n’avait que 16 ans lorsqu’il fait sa première saison pleine avec l’AJA (35 matchs en 83-84)
      – A partir de 1993, le joueur commence à être emmerdé par les blessures. La première au genou, contactée en finale de LDC (Goethals voulait le sortir, Tapie lui a dit non… on connait la suite) lui fait rater le début de la saison suivante et les matchs décisifs des Bleus en automne 1993, dont l’issue sera tragique.
      – Après une pige moyenne aux Rangers (problème d’adaptation), il vient à Monaco fort d’une colonie d’ex-joueurs de l’OM, dans le but de retrouver les Bleus. Mais ça a tourné au flop : il est encore emmerdé par les blessures et les suspensions. Son style de jeu rugueux n’est plus adapté à un football en train d’évoluer, qui ne tolére plus les boucheries des années 80 et début 90.

      Je pense que Boli était conscient d’être un footballeur d’une époque révolue, et qu’il lui serait difficile de s’imposer face à une nouvelle génération de défenseurs à qui on demandait de savoir relancer et de maitriser ses interventions. Si on y ajoute une possible lassitude du milieu (du fait de son lancement précoce), ca explique qu’il ne se soit pas éternisé sur les terrains…

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