Ligue Europa Conférence – Vincenzo Italiano, Siciliano vero

Une finale de Coupe d’Europe avec cette Fiorentina sans véritable crack, c’est une belle démonstration du talent de Vincenzo Italiano, l’homme obstiné du calcio. Son parcours de coach s’ouvre modestement il y a une dizaine d’années dans des circonstances dénuées de prestige et de gloire. Quand il prend seul les commandes de la Vigontina San Paolo au quatrième échelon national, c’est un échec suivi d’une déconvenue avec Arzignano Valchiampo, modeste società près de Vicenza devant renoncer à l’accession en Serie C pour raisons administratives. Le destin le guide alors en Sicile, la terre de ses aïeux et de son enfance[1], à Trapani, précisément là où commence sa carrière de joueur professionnel dans les années 1990.

Vincenzo Italiano en 1996.

Trapani, le bout du monde

Posée à l’extrême ouest de l’île, Trapani est une invitation au voyage ou un terminus, c’est selon. Une ville qu’il faut découvrir par la mer, quand le soleil commence à décliner. Protégés des tempêtes par le Mura di Tramontana, les petits immeubles aux tons fades prennent alors des teintes allant du beige le plus lumineux au jaune paille, offrant aux yeux des visiteurs l’image d’une ville d’un autre temps.

Avant Vincenzo Italiano, quelques noms connus sont passés par Trapani, des allenatori habitués à écumer le Sud et ses clubs sans le sou, les plus fameux d’entre eux étant Egizio Rubino, Serse Cosmi ou Fabrizio Castori. Et puis il faut citer Washington Cacciavillani, un attaquant uruguayen inconnu qu’un impresario habile parvient à refourguer à l’Inter en 1955. Ce n’est évidemment pas un crack et il se retrouve rapidement dans les séries inférieures, jusqu’à ce qu’il tombe amoureux de Syracuse et de la Sicile où il s’installe pour entraîner. Les plus anciens se souviennent de lui se promenant armé, tenant en laisse un lionceau offert on ne sait pourquoi par un cirque itinérant, de ceux qui promènent de ville en ville de vieux fauves édentés au pelage miteux, baillant d’ennui en attendant un maigre bout de viande. Il échoue à Trapani au début des années 1980 en championnat interrégional et laisse une empreinte indélébile par ses extravagances, ses pantomimes sur le banc de touche et ses incessantes suspensions.

Washington Cacciavillani.

Pour le jeune Vincenzo Italiano, il n’est pas question de nourrir le calcio folklorique des environs. Trapani est pour lui une ville étape, un camp de base duquel il observe les sommets. Une poignée de rencontres en Serie C aux côtés d’un grand défenseur inconnu appelé Marco Materazzi suffisent à attirer l’œil des recruteurs de Verona en 1996. C’est en Vénétie qu’il réalise l’essentiel de sa carrière[2] dans un rôle de regista que l’on présente comme une réplique d’Andrea Pirlo, deux tons en dessous.

Italiano, Sicilien errant

A l’été 2018, alors qu’on l’attend à Messine, Italiano revient à Trapani dans un club agité par un projet de cession, le président d’alors décidant de se retirer après l’ouverture d’une procédure judiciaire pour corruption. Italiano est lui-même marqué par une affaire de match truqué[3] et si les magistrats clôturent le dossier après une longue et paresseuse instruction, il sait très bien que cela ne suffit pas à éteindre la suspicion qui l’entoure. Alors il plonge à corps perdu dans le travail, imposant un système de jeu offensif qu’il prétend inspiré des préceptes de Zdeněk Zeman, son mentor ayant lui-même construit sa légende en Sicile il y a bien longtemps.

La curva Nord de Trapani.

Quand Trapani Calcio s’impose face à Piacenza en play-offs en juin 2019 et s’ouvre les portes de la Serie B, la ville est évidemment en liesse. Italiano, lui, demeure placide, presque détaché. Il sait déjà qu’il va quitter le petit port sicilien pour la seconde fois à destination du continent et de La Spezia où il obtient une troisième accession consécutive dans trois divisions différentes[4]. Un exploit qu’Italiano reproduit encore en pérennisant la présence des Aquilotti dans l’élite. Appelé à redorer le blason à fleur de lys de la Fiorentina, il qualifie d’emblée la Viola a l’Europe en proposant un jeu audacieux, puis enchaîne par deux finales en 2023, la Coppa Italia et la Ligue Europa Conférence.

Les Trapanesi ne lui tiennent pas rigueur de les avoir abandonnés, au contraire, ils savent que dans leur ville meurent les illusions des perdants éternels et commencent les voyages des audacieux.


[1] Né en Allemagne à Karlsruhe en 1977, sa famille revient en Sicile alors qu’il n’a que quelques mois.

[2] Avec le Hellas, le Chievo et Padova.

[3] Il est accusé d’avoir œuvré au trucage d’un match Padova – Grosseto en mars 2010 et est suspendu quelques mois alors que sa carrière est sur la fin.

[4] Accession sportive en Serie C avec Arzignano Valchiampo (mais non effective pour raisons administratives), Serie B avec Trapani, Serie A avec La Spezia.

16 réflexions sur « Ligue Europa Conférence – Vincenzo Italiano, Siciliano vero »

  1. Merci Verano. Je n’ai pas fait la côte ouest sicilienne. Voyage très agréable. J’espère que la Viola va repartir avec le titre. Et on peut souligner l’intérêt d’avoir remis une troisième compétition européenne.

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  2. Mes premiers souvenirs de la Viola sont lors de la saison 90 où elle s’incline en finale face à la Juve. Avec un parcours français puisque Sochaux et Auxerre de Scifo et Kalman Kovacs avaient été éliminés par les Toscans. Baggio, Dunga, Kubik…

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    1. Dernier match de Baggio avec la Fiorentina, il savait qu’il allait partir sur une ultime pirouette du comte Pontello avant la cession du club. Match disputé à Avellino, à cause d’incidents à Florence puis à Pérouse, je crois. A l’aller, l’arbitrage avait été au cœur des débats, je me souviens de Céleste Pin criant au scandale.

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      1. A la Juve, Casiraghi et Schillaci en attaque. Zavarov et Aleinikov. Rui Barros…Après le mondial 90, me souviens avoir été charmé par la trio Schillaci-Baggio-Hassler dont j’attendais énormément. Bon, c’était pas vraiment ça…

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  3. du Verano dans le texte comme d’hab’ la viola et son maillot toujours mythique (comme le Mars et le Buitoni du Napoli) sa curva fiesole et le CAV, batigol ce romantisme qui a marqué beaucoup de monde!
    content de cette finale honnêtement me fous de la ldc depuis de bien nombreuses année on retrouve un peu l’esprit de la c2 et la c3 d’avant

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  4. Tiens, mon onze historique de la Viola
    Albertosi
    Magnini Rosetta Passarella Cervato
    De Sisti
    Julinho Rui Costa Antognoni
    Hamrin Batistuta…

    En gros…Oui, j’ai pas mis Baggio. Hehe

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  5. Il a sûrement le nom de famille le plus italien qui existe héhé

    Long parcours pour la Fiorentina, qui a du se coltiner un premier barrage face à Twente puis la phase de groupe et un autre barrage après avoir fini 2ème derrière İstanbul Başakşehir.

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    1. Un de mes plus vieux copains est d’origine sicilienne. On s’est toujours énormément chambré en foot sur l’Espagne et l’Italie. C’est notre petit jeu depuis que l’on est gamin. Je n’utilise cet argument fatal quand cas extrême mais pour lui clouer le bec quand il commence à trop charier l’Espagne, je lui rappelle sobrement que son nom de famille veut dire l’Espagnol en italien. Echec et mat!

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      1. Haha il a sûrement un de ces ancêtres qui vient de la couronne d’Aragon, lorsque la Sicile était sous domination aragonaise !

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  6. Italiano qui est dans la short list de Longoria pour remplacer Tudor, j’aimerais vraiment bien!
    Bon le problème c’est que le Napoli est dessus aussi et je pense qu’il sera impossible de les concurrencer.

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