NOFV-Oberliga 1990-1991 : The last of us, DDR-style (deuxième partie)

Suite et fin du « que sont-ils devenus ? » des quatorze participants à la dernière saison d’Oberliga est-allemande, en 1990-1991.

Rappelons qu’avant la réunification, les deux Fédérations s’étaient mises d’accord sur les modalités d’absorption des clubs de l’Est :

  • Les deux premiers de l’Oberliga 1990-1991 se qualifiaient pour la Bundesliga 1991-1992, exceptionnellement élargie à 20 clubs et avec quatre descentes à la fin de la saison pour revenir aux 18 d’usage.
  • Du troisième au sixième, quatre clubs se qualifiaient directement pour la 2. Bundesliga 1991-1992, exceptionnellement élargie à deux poules de 12 clubs au lieu des 20 en poule unique des années 80, avec réduction progressive à 18 clubs en poule unique sur les trois saisons suivantes.
  • Du septième au douzième, six clubs accédaient à un tour de qualification à la 2. Bundesliga en compagnie des deux promus de la DDR-Liga(2), la deuxième division est-allemande. Les huit clubs étaient divisés en deux groupes, les vainqueurs se qualifiaient pour la 2. Bundesliga, et les autres étaient reversés en NOFV-Oberliga devenue l’une des poules régionales de D3.
  • Les treizième et quatorzième, les deux derniers, étaient directement reversés en NOFV-Oberliga.

(Première partie, de la 14à la 8 place.)

7: Lokomotive Leipzig

Cinq fois vainqueur de la Coupe de RDA, bête noire des Girondins de Bordeaux en Europe dans les années 80, et finaliste de la C2 en 1987, le Lok va vivre l’expérience de mort imminente la plus spectaculaire de tout le football est-allemand. Après avoir accroché de justesse la 2. Bundesliga en 1990-1991, il reprend son nom d’avant-guerre de VfB Leipzig et se paie un recrutement ambitieux, entre autres un Didier Six en fin de carrière. Il monte en Bundesliga la saison suivante, mais le public n’accroche pas et le VfB redescend en 1994. Une succession d’équipes dirigeantes ineptes conduisent à la D3 en 1998, puis à la D4 en 2000, puis à deux redressements judiciaires successifs dont le dernier entraîne la cessation de toute activité en 2004. Entretemps, des supporters ont fondé un nouveau Lokomotive qui, pas structuré pour remplacer le VfB en D4, doit partir de zéro, en D11 ! Une fusion avec une D8 et des promotions rapides, portées par un public enthousiaste, rétablissent le Lok en D4 en 2012. Il y joue la montée depuis plusieurs années et n’a manqué son but en 2020 qu’en barrage d’accession. On devrait bien finir par le revoir en D3, à l’extrême limite en D2 dans la huitième ville d’Allemagne où le RB Leipzig est maintenant bien établi. En 2021, le Lok a fusionné avec le VfB, coquille vide maintenue en vie par un sociétaire déterminé, et unifié une tradition qui remonte au tout premier titre de champion d’Allemagne en 1903.

6: Carl Zeiss Iéna

Premier au tableau d’honneur de l’Oberliga, finaliste de la C2 en 1981, trois fois champion de RDA et quatre fois vainqueur de la Coupe, ce haut dignitaire du foot est-allemand bien connu des Bastiais et des Girondins a vécu un parcours en montagnes… euh, russes après la réunification. Qualifié directement pour la 2. Bundesliga, il y reste jusqu’en 1994, fait un moment l’ascenseur entre D2 et D3 sur fond de finances pas vraiment flambantes, et finit par descendre en D4 en 2001. Il y passe quatre ans, monte de deux divisions en deux ans pour retrouver la 2. Bundesliga en 2006, et tape dans l’œil d’un oligarque russe désireux de blanchir quelques millions. La DFB, moins crédule que notre LFP, claque la porte au nez de ce nouveau Mammadov et le Carl Zeiss, faute de ressources, redescend en 2008. Il fait depuis l’ascenseur entre D3 et D4 sans arriver ni à stabiliser son fonctionnement en interne, ni à s’installer durablement en 3. Liga comme son public fidèle et une aire de chalandise de 100 000 habitants pourraient à la rigueur le lui permettre. La décision de la ville de limiter à 15 000 places le nouvel Ernst-Abbe-Sportfeld, une belle enceinte 100% football (presque terminée) qui remplace le vétuste stade omnisports estampillé DDR, confirme qu’on ne va pas viser plus haut.

Mars 1991 : « objectif Bundesliga », on y croit encore…

5: Chemnitzer FC

Karl Marx, sors de ce corps, Karl-Marx-Stadt, sors de cette carte ! La ville de Chemnitz n’a même pas attendu la réunification pour reprendre son nom d’avant 1953. Son club-phare, pensionnaire attitré mais rarement titré de l’Oberliga (douzième au tableau d’honneur, champion en 1967), change lui aussi de nom et se qualifie sans problème pour la 2. Bundesliga en 1990-1991. En parallèle, il a disputé le dernier duel interallemand de l’Histoire en Coupe d’Europe face au Borussia Dortmund (0-2, 0-2). Le CFC reste cinq saisons en D2, descend en D3 en 1996, remonte en 1999, redescend en 2001, puis plonge en D4 en 2006. Il retrouve la 3. Liga et le monde pro en 2010 puis vient discrètement s’installer en haut du tableau, mais la foudre financière va frapper. Une nouvelle équipe dirigeante découvre de graves irrégularités dans les comptes et l’inévitable dépôt de bilan survient en 2018, avec rétrogradation administrative à la clé. La remontée en D3 en 2019 sera sans lendemain et le club végète à présent en D4, miné par le vent mauvais d’un hooliganisme fortement teinté d’extrême droite qui n’en finit pas de souffler dans et autour des tribunes malgré les efforts de la direction.

4: Hallescher FC Chemie

Encore un habitué de l’Oberliga (dixième au tableau d’honneur en tant que Turbine puis Chemie Halle), toujours là sans jamais vraiment faire parler de lui (un titre en 1952, deux Coupes de RDA en 1956 et 1962, et c’est tout). Le club de feu Bernd Bransch, capitaine des tombeurs de la RFA en 1974, finit toutefois en beauté la page DDR : en même temps qu’il décroche la 2. Bundesliga, il se qualifie pour la C3 pour la troisième fois de son histoire. Une élimination rapide (2-1, 0-3 face au Torpedo Moscou) et une saison ratée plus tard, le voilà dans la charrette pour la D3. La chute ne s’arrêtera qu’en D5 en 1996 avant que le club ne se stabilise en D4 dans les années 2000, sans toutefois passer par la case dépôt de bilan comme tant d’autres. En 2012, c’est le retour chez les pros en D3 où le club mène depuis une existence tranquille en milieu de tableau. Dans la trente-et-unième ville d’Allemagne, il pourrait en principe viser un peu plus haut. Mais les places sont déjà prises et le club ne bénéficie pas d’un fort soutien populaire, contrairement à son grand rival régional, le FC Magdebourg. On devrait donc finir par voir le HFC tutoyer, voire s’approprier, le record de matchs joués en 3. Liga.

Les années 90 furent violentes à l’Est, y compris pour les maillots

3: Rot-Weiß Erfurt

Celui-ci aussi a fait partie des meubles en Oberliga (septième au tableau d’honneur en tant que Turbine puis Rot-Weiß) sans trop attirer l’attention (champion en 1954 et 1955). Lui aussi a profité du pillage des grands noms de l’Est par la Bundesliga après 1989 pour décrocher sa première qualification pour l’Europe avec un effectif peu modifié. Il y gratte une parcelle de gloire en éliminant le FC Groningue (1-0, 1-0) avant de tomber sans discussion face à l’Ajax (1-2, 0-3). Au quotidien, c’est la grisaille : bon dernier de 2. Bundesliga, puis une quinzaine d’années en D3 (amateur à l’époque) avec au passage un dépôt de bilan en 1997 et une visite-éclair en 2. Bundesliga en 2004-05, et enfin le retour chez les pros en 2008 à la création de la 3. Liga. Après 10 ans en milieu de tableau, c’est l’accident industriel avec une relégation en D4 en 2018 assortie d’un nouveau dépôt de bilan, vite effacé cette fois. Un peu trop vite, peut-être : fin 2019, juste avant la pandémie, le club abandonne purement et simplement le championnat de D4 pour éviter un troisième dépôt de bilan sans doute fatal. Après deux ans en D5, le revoici cette saison en D4 où il joue les premiers rôles. Si les finances le permettent, dans la trente-septième ville d’Allemagne et capitale du Land de Thuringe, on devrait voir le RWE s’établir à terme en D3.

2: Dynamo Dresde

Mieux que le Dynamo Berlin (10 titres de champion et trois Coupes de RDA), mieux que le FC Magdebourg (trois titres, sept Coupes), mieux que le Carl Zeiss Iéna (trois titres, quatre Coupes). Bien que « seulement » deuxième au tableau d’honneur de l’Oberliga, le Dynamo Dresde possède le meilleur palmarès de RDA avec ses huit titres et sept Coupes. Malgré le départ de ses stars, il tient son rang en 1990-1991 et se qualifie sans trop trembler pour la Bundesliga. Il va y passer quatre saisons avant que la peu scrupuleuse équipe dirigeante qui a fondu sur cette proie facile à la réunification ne se fasse rattraper par la patrouille financière, avec retrait de licence pour toutes les divisions pro à la clé. Relégué en D3 amateur, le club touche le fond avec une descente en D4 en 2000. Deux années en enfer, puis la tendance s’inverse enfin et le Dynamo retrouve même la 2. Bundesliga l’espace de deux saisons avant de redescendre en 2006. Depuis cette date, le club alterne les périodes en 2. Bundesliga et en 3. Liga où il séjourne actuellement après sa descente en 2022. Les finances sont enfin assainies, le peuple jaune et noir fait toujours sauter les records d’affluence en D3, et l’équipe trône en tête du classement en cette première partie de saison. Dans la douzième ville d’Allemagne, on devrait voir ce vrai grand nom s’installer pour de bon en 2. Bundesliga à court terme et viser la Bundesliga à plus longue échéance.

La même affiche en 2. BL la saison prochaine… et plus tard en Bundesliga si affinités ?

Champion : Hansa Rostock

Comme le Hallescher FC et le Rot-Weiß Erfurt, ce vieux routier de l’Oberliga (onzième au tableau d’honneur) arrive en forme au bon moment. Non content de remporter son premier titre de champion(1), il réalise carrément le doublé en 1990-1991. En plus d’une place en Bundesliga, le Hansa hérite ainsi d’un premier tour de C1 de prestige au Camp Nou dont l’issue est écrite d’avance (0-3, 1-0). Les affaires courantes ne vont pas mieux avec une descente immédiate en 2. Bundesliga. Malgré des finances sur le fil du rasoir, le Hansa va pourtant réussir à se stabiliser et même retrouver la Bundesliga en 1995. Il va y passer 10 ans en milieu de tableau avant de se voir contraint de vendre ses meilleurs joueurs pour survivre, au prix d’une relégation sur le terrain. La remontée en 2007 ne sera qu’un feu de paille et le Hansa finit par descendre en D3 en 2010. Après avoir échappé de justesse au dépôt de bilan en 2012, il s’installe solidement en 3. Liga et le travail, combiné à une gestion raisonnée, finit par payer. Le club remonte en 2021 en 2. Bundesliga où il est abonné au bas du tableau, sans trop risquer la descente toutefois. Dans la trente-neuvième ville d’Allemagne, le point d’équilibre se situe en D2 ou en D3, sans que l’on sache si un public très fidèle mais fortement teinté d’extrême droite est un atout ou un frein. Avec 13 saisons au total en Bundesliga, le Hansa est pourtant aujourd’hui encore le club de l’ex-RDA qui a le mieux tiré son épingle du jeu de la réunification.

Et aussi…

Trois cas particuliers, absents lors de la dernière saison d’Oberliga, méritent un coup d’œil rapide. L’Union Berlin, « success story » Ossie de ces dernières années, n’a jamais fait partie des poids lourds à l’époque de la RDA et a monté tout doucement les échelons après la réunification jusqu’à une place en Ligue des champions cette saison. L’Erzgebirge Aue ex-Wismut, le mieux classé au tableau d’honneur de l’Oberliga (cinquième) manquant à l’appel en 1990-1991, était descendu en DDR-Liga au mauvais moment. Après des années 90 chaotiques, il alterne désormais entre D2 et D3 sans prétendre à mieux. Enfin, le FSV Zwickau ex-Sachsenring du légendaire Jürgen Croy a connu un parcours sportivo-financier malheureusement assez typique. Après trois décennies de yo-yo entre divisions et deux dépôts de bilan, il vient de descendre en D4 et regarde de très près la D5 suite à un début de saison catastrophique, sur fond de finances une nouvelle fois aux abois.

Note :

  1. La réunification étant survenue en cours de saison, le titre figure au palmarès sous le nom de « champion de la NOFV-Oberliga » plutôt que champion d’un pays qui n’existait déjà plus.
Hansa Rostock, à jamais les derniers !

10 réflexions sur « NOFV-Oberliga 1990-1991 : The last of us, DDR-style (deuxième partie) »

  1. Cette overdose de mulets, c’est juste pas possible..

    Rostock..ou comment être là au bon moment, c’est dingue. Du second passage de ce club en Bundesliga, je garde surtout le souvenir de moult Suédois passés par là.

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  2. J’ai regardé la finale entre le Dinamo et Iena en 81. Sur Footballia. Quelle triste ambiance. Pas un chat dans le stade, en plus la video est sans commentaires… J’étais pas trop dans le feu de l’action!

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    1. Je dois encore en faire un article, la petite histoire en amont de ce fiasco commercial est énorme – une histoire de match (vainement) arrangé par l’UEFA, soucieuse d’éviter l’affiche que tu évoques en finale.

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      1. Ekstrom manque son passage au Bayern par contre. Il quitte Goteborg en milieu de saison et rate donc la finale victorieuse de la c3 1987.

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    1. J’ai compris tard dans ma vie que j’aurais sans doute fait un bon historien. (Pas trop tard, après tout : si les forces le permettent quand la retraite sonnera, pourquoi pas un masters d’histoire à San Francisco State toute proche et pas chère ?) Je n’ai pas d’origines allemandes, mais j’ai toujours aimé la Bundesliga et j’ai accroché sur la langue après ma première visite à Berlin-Ouest en 1983. Avec tout ça, il était inévitable que je m’intéresse au foot est-allemand d’après la réunification (d’avant aussi, un petit peu). J’ai eu la chance de voir l’avant, le pendant, et l’après de cette phase difficile pour les clubs, laquelle n’a vraiment commencé que vers 2015 quand nombre de clubs sont sortis pour de bon de leurs soucis financiers. De quoi donner des idées d’articles… et trouver la réponse à des mystères d’autrefois, ce qui est toujours agréable. Au sujet du « penalty de la honte » à Leipzig en 1986, par exemple (P2F du 27/1/23), je savais d’après la presse ouest-allemande de l’époque qu’il y avait eu des suites en haut lieu, mais personne à l’Ouest n’en savait davantage. 20 ans plus tard, on peut lire dans un quotidien berlinois le texte de câbles échangés entre la section de Leipzig et le comité central du Parti à Berlin-Est sur les retombées de l’affaire. Ça, c’est carrément formidable !

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