Salif y los Ches

Été 1973, l’Espagne du football est en ébullition. Après des années de fermeture, plus ou moins stricte, aux étrangers, la Liga rouvre ses portes. Et voit les choses en grand… Günter Netzer est attendu du côté du Bernabéu tandis que Cruyff promet une renaissance sportive autant que culturelle au peuple catalan. Valence qui sort de saisons très satisfaisantes aux mains d’Alfredo Di Stefano choisit le puissant Autrichien Kurt Jara au milieu. L’autre recrue est Salif Keita, le premier Africain de Mestalla.

Afrique et Espagne, si proches, si loins…

La Liga est longtemps restée hermétique aux talents nés de l’autre côté du Détroit de Gibraltar. Hermétique n’est pas vraiment le mot adéquat, disons plutôt étrangère à son évolution. Sacré paradoxe pour un pays ayant deux bastions enclavés sur ce continent… Néanmoins les rares tentatives ont laissé une belle empreinte sur la péninsule. On pense à Abdallah Ben Barek à Malaga, à son homonyme evidemment, Larbi le mage qui enflamma le Metropolitano. A Jorge Mendonça, l’angolo-portugais chez les Colchoneros toujours… Il est peu de dire que le choix du président Francisco Ros Casares de prendre un Malien inconnu au bataillon en a surpris plus d’un. Qui sait à Valence que Salif était à la lutte pour le Soulier d’Or quelques années auparavant?

Les médias sont dubitatifs et un quotidien local n’hésite pas à souligner que « Valence cherchait de l’Allemand et revient avec un homme noir« . Passablement agacé par ses propos, Salif préfère s’attacher à l’accueil chaleureux de son nouveau public, lui promettant un nombre incalculable de golazos! La nuit de se débuts officiels, Mestalla est plein comme un œuf, le promu du Real Oviedo subit le doublé du nouveau numéro 10 du club… Le début de saison de la troupe de Don Alfredo est superbe, Valence mène la ligue jusqu’à la 13ème journée, Sol et Claramunt semblent retrouver l’élan qui leurs avait permis d’être champion en 1971… Jusqu’à une défaite inattendue face à Murcie qui inaugure une longue serie de mésaventures. Valence laisse le train culé mené à toute vitesse par les Sotil, Marcial et Cruyff s’éloigner définitivement. Le jeu est lent, la défense apathique, Valence finit à une pauvre dixième place, Di Stefano ne survit pas à l’affont d’une élimination en coupe face à Las Palmas. Salif n’aura pas tenu ses engagements, sept buts, bien éloignés de l’efficacité qui faisait sa gloire en Hexagone…

Une équipe irrégulière

La direction porte son choix sur Milovan Ciric, un entraîneur yougoslave qui avait officié dans de grands clubs des Balkans. Ciric avait la réputation d’être dur mais de savoir piocher habilement dans le réservoir de jeunes. La vérité est que sa méconnaissance de ce football espagnol de tranchées lui sera préjudiciable et qu’il ne s’adaptera jamais. Le rêve d’Europe est rapidement renvoyé aux calendes grecques, Valence obtient son pire classement de l’époque, une douzième place. Dans ce triste tableau, Salif réalise une saison plus convenable à 11 réalisations, marquée par un slalom inoubliable dans la défense de l’Atletico qui émerveillera jusqu’à sa victime, Miguel Reina, le jour de la prise de fonction de Luis Aragonés et d’une victoire, comme une bouffée d’oxygène, au Tournoi de Paris aux dépens du Fluminense et du jeune PSG.

La saison 1975-1976 ne commence pas sous les meilleurs auspices. Le siège de la direction demeure vide pendant de longs mois et le transfert de l’emblématique Sol au Real Madrid finit de doucher les espoirs des plus optimistes. Keita, qui ne cesse d’alimenter les discussions sur son réel poste, voit l’arrivée de Johnny Rep. Sauf qu’il s’agit de son fantôme… Indolent, frustre, le Hollandais reste muet de semaine en semaine jusqu’à disparaître complètement du onze initial! Une chute sans fin jusqu’à une salvatrice expulsion face à Seville. Dans les cordes, Rep se ressaisit enfin et réalise une seconde partie de saison personnelle sublime, bien aidé en cela par la vision d’un Keita plus reculé sur le terrain. Le duo se joue du Barça de Neeskens, Rep se venge de Seville par un triplé. Salif est ce soir là dans tous les bons coups…

En trois saisons à Valence, Keita n’aura pas fait mieux qu’une dixième place en championnat. Et on pourrait presque considérer qu’il s’est subtiliser le titre de sensation africaine de la Liga par le Gambien Biri-Biri de Seville. Presque… Mestalla a adoré ses changements de rythme, sa facilité à éliminer. Elle s’est arrachée les cheveux face à son intermittence et son refus du combat. Mais dans le championnat violent d’alors, où les arbitres faisaient régulièrement mine de regarder à côté, il était finalement plus question de survie que de brio pour les talentueux tel Salif… Il traversera en 1976, la frontière de l’Ouest, s’y sentira certainement plus à son aise, pour devenir le modèle de Rui Jordão et retrouvera son compère Rep lors d’une nuit corse d’anthologie….

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12 réflexions sur « Salif y los Ches »

  1. Ces coiffures.. Ca rappelle des souvenirs 🙂

    Joueur et club que je connais très mal, me concernant tu as tapé dans le mille, merci!

    BO africain, Madjer 87…. Peu ou prou, c’est le début du pillage, non? (et peu ou prou idem pour les viviers sudams)

    A compter de cette époque (quelque part dans les 80’s, dirais-je), ma foi : que d’histoires où l’on trafiqua les passeports, dates de naissance, exfiltra de manières rocambolesques……….

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      1. ..et que je n’ai pas fini de décrire! 🙂

        Pas le fin mot de son caractère (il ne m’a jamais intéressé), je ne peux répondre que par « élimination », et donc : pour ses années ajacides, on (moi, en tout cas) ne lit jamais rien de méchant sur lui.

        Or il parlait sans filtres (à la hollandaise, quoi), sur le dopage par exemple c’est sorti tout seul chez lui, bref tout de même assez facile de se faire une idée de sa mentalité. L’impression d’ensemble est généralement celle d’un type sans histoire, qui ne cherchait pas les problèmes, sociable et sympa…. Un profil rare dans cet Ajax, oui!

        Ambiance dure? Oui, mais pas exclusivement du fait des intrigues Cruyff-Coster : la direction était en cause aussi, et en jouait.

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  2. Merci Khia pour cet hommage. Ces années de Valencia sont perturbées par les affaires de naturalisations bidons, comme Valdez, Argentin devenu international espagnol avec de faux papiers. Valencia est dans l’œil du cyclone et je suppose que ça n’arrange pas le domaine sportif.

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    1. Oui, c’est bien Valdez. Kurt Jara est un peu mis de côté quand on parle de la génération Prohaska, Pezzey, Krankl ou Schachner mais c’était un brillant. Très belle génération autrichienne de 78. J’essaie d’appâter Polster. Haha

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      1. Je vais m’y mettre aussi : Koncilia était nul! (comme ça, c’est fait)

        (si Polster ne réagit pas à ça, c’est qu’il s’est étouffé en mangeant des Strudel)

        Mode provoc off, Polster : Koncilia était un vrai bon gardien…….mais comment expliquer que son passage à Anderlecht fût à ce point catastrophique??

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      1. Ils ont fait comme au Sanchez Pizjuan où tu vois un portait de Kanoute. Kanoute, adoré des supporteurs du Sevilla FC, pour son talent mais aussi parce qu’un Kanoute à Seville, c’est un joint.

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