Ramón Echenausi, le Garrincha vénézuélien

Avant d’être Mané Garrincha au Venezuela, Ramón Echenausi est El Pocho avec le CA Lanús, club de banlieue de Buenos Aires où il émerge après un passage chez les jeunes de Boca Juniors. Durant les années 1960, les cracks du Granate s’appellent Bernardo Acosta et Ángel Silva, los albañiles (les maçons). Les deux attaquants contribuent à l’accession et au maintien de Lanús dans l’élite à partir de 1964. Par la suite, le Paraguayen Baby Acosta acquiert le statut d’idole au Sevilla FC alors que Silva confirme ses dons en étant appelé en sélection argentine à plusieurs reprises, tout comme un autre Granate bien connu en France, Osvaldo Piazza. Quand on lit des papiers sur le CA Lanús des sixties, personne ne cite Echenausi parmi les joueurs clés. Alors, sa promotion avantageuse, il la réalise lui-même.

Echenausi est en bas à droite. A côté de lui, Baby Acosta et au centre Angel Silva.

Dans des interviews récentes, il affirme être un des meilleurs ailiers argentins de son époque et exprime une profonde amertume à propos du sélectionneur Juan José Pizzuti qu’il soupçonne de lui avoir préféré pour de sombres raisons El Ratón Ayala et Mané Ponce, autre artiste hâtivement comparé à Garrincha. Non retenu pour les matches de la Copa Roca 1971 face au Brésil, il vit l’instant comme un manque de considération et se fait à l’idée d’un transfert au Venezuela qu’encourage son club en mal de liquidités.

C’est ainsi qu’il accepte la sollicitation du Portuguesa FC au moment de sa création. Deux mois à l’essai puis contre 4000 dollars, il s’installe à Araure, petite cité de province dotée d’un club par la volonté de quelques industriels passionnés de football. Echenausi impressionne d’emblée le public local par sa technique et sa vitesse et gagne le surnom de Garrincha vénézuélien au sein d’un effectif composé de nombreux étrangers, sud-américains et yougoslaves. Il va rester de nombreuses années à Araure et participer à l’ascension de Portuguesa face aux ténors de Caracas. L’année 1977 représente l’acmé du club, quand les rojinegros brillent en Copa Libertadores avec un autre ailier droit mondialement connu venu empocher quelques dollars, Jairzinho. La présence du numéro 7 brésilien crée un tel buzz que le Cosmos de Pelé fait une halte à Caracas pour jouer contre Portuguesa, Echenausi en profitant pour se faire photogrophier avec O Rei engagé dans sa tournée d’adieu (photo d’en-tête).

En vieillissant et en s’épaississant, Echenausi recule et se mue en meneur de jeu. Il a 31 ans en 1977 lorsqu’il glane ses premières sélections avec la Vinotinto lors des poules qualificatives pour la Coupe du monde en Argentine. L’équipe nationale n’a pas joué depuis 1975 et la Copa América, un désastre absolu : 26 buts encaissés et un seul inscrit, quatre défaites dont un invraisemblable 11-0 à Rosario face à l’Albiceleste.

C’est une époque où les regroupements sont pittoresques, les préparations empiriques et les moyens dérisoires. Pourtant le Venezuela parvient à arracher un nul face à l’Uruguay en plein déclin, premier point arraché à la Celeste en compétition officielle. Insuffisant pour prétendre à la qualification au Mundial, évidemment. Après trois années de pénitence, il revient en grâce début 1981, quand il s’agit de rêver d’un billet pour la Coupe du monde espagnole.

1981, Echenausi aux côtés de Di Stéfano venu assister ponctuellement Cata Roque, le sélectionneur de la Vinotinto.

La première rencontre oppose le Venezuela au Brésil de Telê Santana sur la pelouse bosselée du stadio Olímpico de Caracas. Oscar, Júnior, Toninho Cerezo, Paulo Isidoro, Zico sont présents mais ce 8 février 1981, la Seleção souffre comme rarement face au petit poucet du continent. A la manœuvre pour la Vinotinto, un duo de virtuoses d’origine argentine, Juan José Scarpeccio (ex-CA Platense) et bien sûr Ramón Echenausi. Le Brésil domine stérilement, les locaux se battent comme des chiens enragés (Zé Sérgio et Carlos Marín sont expulsés à la demi-heure de jeu) et le score demeure désespérément vierge. Sur chaque récupération, Scarpeccio et El Pocho Echenausi, plus Garrincha que jamais à 35 ans, cherchent à déséquilibrer leurs adversaires grâce à leur technique et leur évidente complicité.

Le miracle semble possible quand tout s’effondre en deux minutes. Sur une frappe de près de Serginho, un défenseur vénézuélien se substitue à son gardien et repousse le ballon de la main. Zico ne tremble pas et ouvre le score sur pénalty. Dans la minute suivante, après un geste d’antijeu de Luizinho, Echenausi réagit vivement. La tension monte et l’arbitre urugayen Ramón Barreto expulse Paulo Isidoro et le Garrincha local. Suspendu pour les matches suivants, c’est la fin de son histoire avec la Vinotinto. Il n’est plus là quand le Venezuela obtient le premier succès de son histoire en éliminatoires face à la Bolivie le mois suivant.

Echenausi joue jusqu’en 1984 avec Portuguesa et demeure dans son pays d’accueil où son fils Miguel, dit Pochito, porte à son tour le maillot de la Vinotinto dans les années 1990.  

22 réflexions sur « Ramón Echenausi, le Garrincha vénézuélien »

  1. Fascinant
    Comment une ville, un club et une région du Vénézuela, plus proche de la Colombie que du Brésil, s’appelle Portuguesa ?

    Décidémment, les Portugais sont allés partout avant tout le monde

    Merci pour l’article, la découverte, le texte et les photos, Verano

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  2. Jamais entendu parler de ce type !
    D’ailleurs, quand tu tapes « Ramon Echenausi » sur Google, le premier résultat c’est cet article…
    Bref, encore un mec inventé par Verano ?

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    1. Pfff. Pour la peine je t’invite à t’infliger le match Venezuela Brésil de 1981 avec les commentaires en brésilien. Tu verras et entendras parler d’Echenausi, le numéro 8.

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      1. Ahahahahahah…
        Qu’est-ce qui me dit que c’est un vrai match ? Avec de vrais commentaires ?

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      2. Oui je me suis amusé à enregistrer ma voix en postsynchro. As tu remarqué mon accent et cette tonalité donnant une touche de gravité aux actions brésiliennes ?

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      3. Je t’imagine bien avec une voix de crooner brésilien, un peu à la Roberto Carlos…

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    2. Purée si Ajde s’y met a son tour…
      Et si cet article arrive en premier sur Google, c’est parce que j’ai optimisé le SEO en faisant des phrases de 3 mots, utilisé un langage enfantin et super bien référencé l’article avec des balises top moumoutes 🙂

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  3. Merci Verano. Avant le Venezuela, Jairzinho fait une pige aux Kaizer Chiefs! Un champion du monde à Soweto, assez incroyable. Mais j’ai jamais trouvé une photo de lui sous ce maillot m.

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    1. Jairzinho ! Ce n’était pas Garrincha évidemment mais c’était un ailier moderne, puissant, à la beauté plastique rare. Un de mes joueurs préférés all time.

      Si son transfert à l’OM semble improbable tant il s’agit d’une star mondiale, que dire de celui qui le fait atterrir au Venezuela ?

      L’histoire débute en 1972 quand un groupe d’investisseurs d’Araure décide de créer le Portuguesa FC, club surgi du néant destiné à concurrencer les ténors de Caracas fondés par les populations immigrées de la ville (Deportivo Italia, Deportivo Galicia, Deportivo Canarias, Deportivo Portugués, tous aujourd’hui disparus, renommés ou délocalisés). Dès 1973, Portuguesa glane un premier titre de champion, performance répétée cinq fois au cours de la décennie avec différents coaches dont le Yougoslave Vladimir Popović (futur vainqueur de la Coupe Intercontinentale 1991 avec l’Etoile Rouge de Belgrade).

      En février 1977, après de très longues négociations, Jairzinho signe pour une année au Portuguesa FC, en contrepartie de deux cent mille dollars, une somme énorme pour l’époque et en particulier pour le Venezuela.

      Peut-on imaginer ce que représente la venue de Jairzinho à Araure, au fin fond du pays ? Il a trente-deux ans, ce n’est certes plus tout à fait le fantastique ailier-buteur de Botafogo et de la CM 1970 sélectionné quatre-vingt fois avec la Canarinha mais il demeure un attaquant exceptionnel. D’ailleurs, après son passage frustrant à Marseille, il triomphe en Copa Libertadores 1976 avec Cruzeiro aux côtés de Piazza, Nelinho, Dirceu Lopes ou Palhinha. Au cours de cette compétition, il inscrit douze buts et en finale retour, River Plate le cible particulièrement. Les Millonarios doivent impérativement s’imposer pour obtenir un match d’appui. Alors que le score est de 1-1, El Mariscal Perfumo dont c’est la dernière chance de gagner la Copa se sacrifie : victime d’une élongation, plutôt qu’être remplacé, il décide d’entrainer Jairzinho dans sa chute en l’agressant. Le Brésilien se rebelle, le frappe et l’arbitre expulse logiquement les deux joueurs. Débarrassé de Jairzinho, River parvient à s’imposer. Vain artifice puisque Cruzeiro gagne le match d’appui.

      Coupe afro, short court, chaussettes jusqu’aux genoux, c’est bien celui que tout le monde a vu briller au Mexique en 1970 qui évolue dans le confidentiel estadio José Antonio Páez aux côtés d’étrangers pour l’essentiel venus de Yougoslavie, Pérou, Uruguay et Argentine dont Ramón Echenausi surnommé modestement le Garrincha du Venezuela. Les débuts de Jairzinho sont perturbés par une fracture de la cheville mais par la suite, avec sa star brésilienne, Portuguesa survole le championnat et la coupe nationale. Mieux encore, avec lui, les Rojinegros obtiennent le meilleur résultat d’un club vénézuélien en Libertadores avec l’élimination des clubs péruviens engagés et une prestigieuse victoire contre l’Internacional de Falcão 3-0.

      Et puis grâce à la présence de Jairzinho, le Cosmos de New York fait une halte à Caracas pour affronter Portuguesa lors de la tournée d’adieu de Pelé. Outre O Rei, Beckenbauer, Carlos Alberto, Chinaglia sont présents, événement exceptionnel gâché en partie par la pluie battante.

      En fin de saison, les dirigeants et Jairzinho envisagent de prolonger l’aventure jusqu’à ce qu’il se brise la clavicule lors d’un match amical début 1978, interrompant les négociations contractuelles. Son départ entérine le déclin de Portuguesa FC dont le dernier titre date de 1978. Jairzinho reprend sa course au cachet dans des clubs mineurs du Nord du Brésil, en Bolivie avant une dernière pige à Botafogo et une ultime sélection avec la Canarinha offerte par la CBF en 1981, hommage au merveilleux numéro 7 pour l’ensemble de son œuvre.

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      1. « à la beauté plastique rare »

        Tu vois que, toi aussi, tu aimes les hommes.

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    2. C’est complètement hermétique et inconnu pour moi, donc merci pour la découverte.

      A part ça, ben??? Peut-être ajouter que le seul joueur vénézuélien que j’aie vu live s’appelait Stalin Rivas, l’occasion ou jamais de le placer celui-là.

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      1. Stalin Rivas? Haha
        Perso, j’ai vu Ronald Vargas lors d’un Toulouse Bruges, époque Gignac.

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  4. Du foot à Caracas, faudra un jour se pencher sur la Pequeña Copa del mundo qui accueillait de magnifiques equipes sud-américaines et européennes. Des bons et des très mauvais souvenirs pour l’ami Di Stefano!

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